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Il se préoccupe évidemment de la partie philosophique de la peinture. Païen ou chrétien, quel que soit le sujet qu’il traite, il ne met jamais la main à l’œuvre avant d’avoir médité sur le rôle de chaque personnage. Il sait nettement ce qu’il veut, et si sa main obéissait à sa pensée avec une docilité parfaite, il rallierait sans peine de nombreux suffrages. Parmi les artistes contemporains, c’est un de ceux qui méritent le mieux les encouragemens de l’administration par son ardeur au travail et l’élévation des sentimens qu’il cherche à exprimer.

Comment les peintres dont nous venons de rappeler les antécédens ont-ils accompli l’important travail qui leur était confié à Saint-Séverin? C’est sur la chapelle des fonts baptismaux que se portera d’abord notre attention. Les deux paysages de M. Paul Flandrin dans cette chapelle sont d’un beau caractère. Il y a dans ces ouvrages un heureux souvenir de Nicolas Poussin. La prédication de saint Jean dans le désert et le baptême du Christ, déjà traités par des maîtres habiles, avaient de quoi effrayer. M. Paul Flandrin, pénétré de la grandeur des sujets qui lui étaient proposés, nous a donné deux compositions qui expriment naïvement l’origine de la foi chrétienne. Sans doute on pourrait souhaiter un peu plus de charme dans le coloris, mais si les tons manquent d’éclat, l’ensemble n’est pas dépourvu d’harmonie. Les lignes du paysage, simples et sévères, préparent le spectateur à l’intelligence de l’idée que le peintre a voulu rendre. En somme, la chapelle des fonts baptismaux est décorée de façon à contenter ceux qui comprennent les conditions du paysage religieux.

La chapelle de Sainte-Anne est bien ce que nous devions attendre de M. Heim. L’accouchement de sainte Anne, la présentation au temple et l’éducation de la Vierge sont traités avec une extrême sagesse. L’auteur n’a commis aucune imprudence, ne s’est laissé entraîner par aucune fantaisie. Il n’a rien risqué d’imprévu. L’impression produite par ses compositions est tellement paisible, qu’elle peut s’appeler indifférence. Malgré mon respect pour la tradition, j’aimerais mieux, je l’avoue, un peu moins d’assurance et un peu plus de nouveauté. L’intérêt naturel qui s’attache aux récits évangéliques ne rend pas inutile toute invention, et M. Heim me paraît croire que l’invention est pleine de dangers. Je ne dis pas qu’il ait tout à fait tort, mais dans les arts mêmes de la paix la témérité ne messied pas.

M. Signol n’a pas reculé devant le mariage de la Vierge, et je dois reconnaître que la manière dont il l’a conçu n’a rien de commun avec une composition du même nom qui se trouve à Milan, dans la galerie de Brera. Il a vraiment inventé les personnages qu’il met en scène. Il a imaginé pour l’ingénuité une expression à laquelle