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les lois, qui est un des privilèges de la vraie liberté, et qui demande préparation de ses injures, non pas à un recours immédiat à la force, mais à ces voies plus sûres que la constitution a tracées. Si ces voies viennent toutes à manquer, nous n’avons qu’un seul mot à dire : Malheur à l’agresseur quand ceux qui sont lents à la colère viendront à se lever ! »


C’est précisément ce calme des hommes du nord et cette lenteur à la colère qui ont le plus alarmé les gens réfléchis. Ils ne se sont pas mépris sur la signification de la candidature du colonel Fremont, sur la nature des sympathies qu’elle rencontrait dans toutes les classes, sur la rapidité merveilleuse et la parfaite régularité avec laquelle le parti républicain avait organisé ses moyens d’action, sur le soin qu’il mettait à éviter toute provocation inutile, toute menace intempestive, toute démonstration inconstitutionnelle. Pour des observateurs intelligens, cette froideur et cette gravité attestaient une détermination inflexible et pleine de périls, sinon dans le présent, au moins dans l’avenir. Alors, pour la première fois, des paroles de conciliation se sont fait entendre au sud. Il s’est trouvé jusque dans la Louisiane des hommes et des journaux pour proposer de revenir sur les dernières décisions du congrès, et de remettre en vigueur le compromis du Missouri. Ceux mêmes qui rejetaient cette idée comme irréalisable avouaient leur désir de désarmer le nord par une concession, de découvrir un moyen terme qui lui donnât satisfaction, et surtout de trouver une candidature qui, sans avoir les dangers de celle de M. Fremont, lui fût moins antipathique que celle de M. Buchanan.

Les hésitations des hommes influens du sud, leurs velléités de conciliation, leurs répugnances à se lancer dans une politique à outrance devinrent bientôt si manifestes, que les derniers représentans des whigs crurent le moment favorable pour reconstituer leur parti. On vit donc tout à coup une convention whig se réunir à Baltimore ; elle fît appel, dans une déclaration publique, à tous les hommes modérés et patriotes désireux d’apaiser les haines et de consolider l’union, et, le 19 septembre, elle désigna à leurs suffrages M. Fillmore, déjà candidat des know-nothings, « sans adhérer ni s’arrêter aux doctrines particulières du parti qui l’avait déjà choisi. » La candidature de M. Fillmore, ainsi sanctionnée par des hommes presque tous entourés d’une grande considération, reçut aussitôt de nombreuses adhésions dans les états du sud et dans les états du centre. M. Washington Hunt, ancien gouverneur de l’état de New-York, s’y rallia publiquement, et son exemple entraîna un grand nombre de personnages influens. Malheureusement il était trop tard pour que le parti américain (ainsi s’intitulaient les adhérens de M. Fillmore) acquît des chances sérieuses de succès ; beaucoup de membres de l’ancien parti whig avaient déjà pris des engagemens ; beaucoup pensèrent