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la Suède deviendrait pour ce royaume la source d’une énergie et d’une vitalité toutes nouvelles, nous ne pouvions imaginer que le gouvernement du roi Oscar nous donnerait si promptement raison. Certes à aucune époque de son règne ce souverain ne s’était montré anti-libéral, mais il est incontestable qu’avant la guerre d’Orient, un poids étranger semblait intervenir dans les affaires intérieures de la Suède aussi bien que dans sa politique pour lui enlever quelque chose de son initiative et de sa liberté d’action. Nous avons raconté, soit dans l’Annuaire des Deux Mondes récemment publié, soit ici même, avec quelle prudente hardiesse le roi Oscar, dès le commencement de la guerre, prit son parti, se décida pour les puissances occidentales, et, sûr des dispositions de son peuple, mais observant encore un silence indispensable, offrit dès le milieu de la première campagne son concours à la France et à l’Angleterre. Nous parlions[1] sur la foi de communications précieuses, et qui nous venaient d’une source fort élevée. Le journal suédois l’Aftonblud a par trois articles consécutifs attiré l’attention des Suédois sur notre récit, et si la diète qui vient de se réunir au milieu d’octobre obtient la communication des actes diplomatiques du gouvernement de Suède pendant les deux années de la guerre, nous pensons qu’elle pourra vérifier l’authenticité de notre témoignage, et qu’elle sera d’avis, comme nous l’avancions d’après de telles données, qu’il y a tout lieu, pour elle d’être fière de la résolution et de la prudence qu’a montrées son roi. Aujourd’hui c’est des conséquences immédiates de cette alliance du 21 novembre 1844, si contraire par l’esprit à celle de 1812, que nous voudrions en quelques lignes tracer le tableau.

Que la paix soit arrivée trop tôt pour l’impatience des Suédois, personne n’en doute. Les plans étaient préparés et les cartes dressées pour la descente en Finlande ; on savait qu’on pouvait compter sur les bonnes dispositions de ce pays ; il était fort mal défendu ; lors du bombardement de Sveaborg, les soldats russes qui occupaient Helsingfors avaient refuse plusieurs fois d’obéir aux commandemens de leurs officiers, et les Finlandais avaient pu craindre de ces troupes indisciplinées des excès et le pillage, au lieu d’y trouver une protection contre la descente des alliés, qu’on attendait d’heure en heure. On savait tout cela en Suède ; les journaux mêmes y avaient multiplié, grâce à des communications furtives établies par le Quarken[2], ces importantes révélations. On était donc plein d’espérance, et bien des cœurs battaient à la pensée de venger leurs injures, de reconquérir la chère Suomi.

Il a fallu renoncer à tous ces vœux. La paix une fois conclue, on se trouva en face d’un puissant voisin, évidemment irrité. Ont apprit que le gouvernement russe, montrant toujours des dehors presque affables, se préparait à construire une ou plusieurs forteresses, non plus dans les îles d’Aland, puisque le récent traité le lui interdisait, mais sur la côte de Finlande, toute voisine ; on sut en même temps que ses intrigues dans le Finmark norvégien[3], loin d’être arrêtées par une convention de frontières, recommençaient

  1. Surtout dans l’Annuaire de 1855-56.
  2. On appelle ainsi le passage le plus étroit entre la côte de Suède et celle de la Finlande, au nord des îles d’Aland.
  3. Voyez encore sur ces intrigues des Russes dans le Finmark norvégien de curieux et très authentiques détails cités dans l’Annuaire, de 1855-56.