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dans les domaines de la compagnie en disant « qu’un chrétien ne pouvait pas faire moins, et qu’un gouverneur anglais ne pouvait pas faire plus, » paroles marquées au triple sceau de la sagacité politique, du patriotisme et d’un véritable esprit religieux.

Ces concessions faites aux sociétés évangéliques ne furent néanmoins que temporaires, et furent bientôt suivies de mesures prohibitives d’une rigueur inutile qui justifiaient presque les accusations violentes dont le parti des saints poursuivait la politique timorée du gouvernement de la compagnie. À propos d’un pamphlet écrit en langue persane et imprimé dans l’établissement danois de Serampour, où les erreurs de la religion mahométane étaient exposées et flétries, le conseil suprême de l’Inde crut devoir proclamer la patrie en danger, et défendre sous les peines les plus sévères les publications ou les prédications religieuses ayant pour but de démontrer la fausseté des croyances natives. Comme pour donner plus d’éclat à ces mesures prohibitives, de nouveaux encouragemens furent accordés aux établissemens destinés à propager les sciences orientales et l’idolâtrie. Aux institutions admises déjà à jouir des bienfaits du gouvernement, l’on ajouta les deux collèges mahométans de Bhaugulpore et de Juanpore. Ce furent là les derniers pas faits dans un système rétrograde que l’intérêt de la chose publique ne justifiait plus. Le temps, des guerres heureuses, la sagesse d’hommes d’état éminens, avaient affermi l’édifice de la domination anglaise dans l’Inde. Une expérience de plus de cinquante années de tolérance avait appris aux populations qu’elles n’avaient point à craindre qu’un système violent de propagande religieuse fût soutenu par les conquérans étrangers. L’appui exclusivement réservé aux sciences et aux religions natives n’était donc plus qu’un anachronisme, une concession faite à des chimères et à la routine. Aussi, au renouvellement de la charte en 1813, le parlement, sous la pression de l’agitation religieuse qui embrasa toutes les provinces du royaume-uni, supprima dans la nouvelle constitution de la compagnie tous les empêchemens qui avaient été accumulés jusque-là pour empêcher la propagation de la foi chrétienne et des sciences modernes dans l’Inde.

La charte de 1813 n’imposait plus aucune restriction aux prédications des missionnaires et à l’établissement d’institutions d’éducation européenne dans les domaines de la cour des directeurs, mais ces derniers, avec la mauvaise humeur naturelle à des plaideurs qui ont perdu leur procès, ne prirent d’abord, on le comprend facilement, aucune mesure pour assurer le succès de réformes qu’ils avaient combattues à outrance. La question de l’éducation des natifs avait triomphé des obstacles que lui opposait une politique de routine timorée ; elle avait encore à vaincre, et ce n’était pas là une victoire