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une réfutation, et le laissa, prendre par le libraire Cavelier, qui l’imprima[1]. L’ouvrage eut du succès, et les notes de Fréret avaient trop de valeur pour que Newton se crût dispensé d’y répondre dans les Transactions philosophiques, où, après s’être plaint de l’indiscrétion de l’abbé Conti, il justifie son système. Ayant été attaqué de nouveau dans cinq dissertations successives par le père Souciet, et bien qu’Halley eût pris sa défense, il se mit sérieusement au travail, et prépara une édition complète qui ne fut publiée qu’après sa mort.

Les astronomes ont rarement obtenu la confiance des théologiens. Quoique le premier d’entre eux, Anaxagore, passe pour avoir introduit l’idée de Dieu dans le monde, l’orthodoxie de ses successeurs a été souvent soupçonnée, li en doit naturellement être ainsi, car le but des astronomes, et en général de tous les savans généralisateurs, est de découvrir des lois fixes qui gouvernent le monde, sans remonter au législateur. La preuve mathématique que la terre n’est qu’un point dans l’univers a toujours été embarrassante, et, malgré la certitude des découvertes astronomiques, la contradiction nécessaire qu’elles présentent avec d’anciens préjugés ne les a jamais fait accepter qu’avec inquiétude ; de la le mauvais renom des astronomes. Les éloges de Voltaire, ont dû médiocrement servir Newton sous ce rapport et mal préparer le crédit de sa théologie. Il a été pourtant théologien, et a beaucoup écrit sur l’esprit des livres saints et les dogmes de la religion. Ses ouvrages, il est vrai, n’ont été publiés qu’après sa mort, car, même en Angleterre, la prudence n’était pas alors inutile, mais ils sont nombreux, et il s’est trouvé des écrivains pour avancer que la théorie de la gravitation et la décomposition de la lumière ne sont rien auprès de la gloire qu’il se serait acquise s’il n’avait publié que son commentaire sur l’Apocalypse. John Craig même a affirmé que Newton pensait ainsi. Ce n’est assurément pas notre avis, et nous nous tairions sur ce sujet, si l’on n’avait publié récemment quelques opuscules inédits de Newton, et si les opinions sur ses croyances n’étaient pas aussi diverses. Nous en parlerons sans l’insister.

Newton croyait le monde de cinq cents ans plus jeune que les chronologistes ne le disent. Il se fondait sur deux raisons, le cours ordinaire de la nature ou la durée des générations, puis les observations astronomiques. Dans l’antiquité, on ne faisait pas grand cas de l’histoire telle que nous l’entendons aujourd’hui, et l’on recherchait plus l’intérêt que l’exactitude. Aussi les dates sont-elles rares dans les livres anciens, et, au lieu de compter par années ou même par olympiades, comme on le fit plus tard en Grèce, on comptait par

  1. Abrégé de Chronologie de M. le chevalier Newton, fait par lui-même et traduit sur le manuscrit anglais, Paris 1725.