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coûté à M. Biletta de temps, d’ennui, de tracasseries, pour s’entendre exécuter sur la scène de l’Opéra. Voilà deux ans qu’on répète, qu’on arrange et qu’on dérange ce pauvre poème, qui fut d’abord en quatre actes, puis en trois, qui a été finalement réduit en deux actes, et dont M. de Saint-Georges a puisé le sujet dans un vaudeville plus ou moins dramatique connu sous le nom de Victorine, ou la nuit porte conseil. Dans une seconde métamorphose qu’on lui a fait subir, ce même sujet s’appelait la Jolie Fille de Gand, ballet féerique suffisamment connu. Aminta, fille de je ne sais plus quel célèbre mosaïste de Florence, doit épouser son cousin Theobaldo, qui est sans doute d’origine germanique, s’il faut s’en rapporter à l’orthographe de son nom ; mais elle ne l’aime pas assez pour résister aux empressemens d’un certain duc de Palma, qui entre nuitamment dans sa chambre et la décide à le suivre dans son palais près de Venise. On apprend à la fin que ces hésitations d’Aminta sont l’effet d’un cauchemar. Elle épouse bien et dûment son cousin Theobaldo, et tout le monde part pour la noce. C’est sur cette donnée, embellie de la poésie de M. de Saint-Georges, que M. Biletta a consenti à quitter une position agréable qu’il avait à Londres pour venir se morfondre à Paris pendant deux mortelles années. M. Biletta est un Italien, comme l’indique son nom bien mieux que celui de Theobaldo. Établi à Londres depuis quelques années, et très répandu dans le monde, M. Biletta y donna des leçons de chant très recherchées. Bon musicien, accompagnateur distingué, M. Biletta, qui a dû composer un grand nombre de morceaux de musique vocale pour les salons qu’il fréquente, a éprouvé l’ambition de franchir le détroit et de venir s’essayer sur une scène dont il parle fort bien la langue. M. Biletta a-t-il réussi dans sa tentative et peut-il se flatter que son opéra de la Rose de Florence restera longtemps au répertoire ? Nous ne pourrions répondre affirmativement à cette question. Il y a pourtant des choses agréables dans sa partition. Au premier acte, on remarque la jolie sérénade pour.voix de baryton avec accompagnement de chœur, puis le chœur de la noce :

La cloche résonne,
A l’église on sonne,


qui a de la plénitude, et quelques passages du duo entre Aminta et le duc de Palma, particulièrement la stretta de ce duo qui termine le premier acte :


A jamais ma vie
A la tienne unie.


Au second acte, on trouve la cavatine que chante le duc de Palma :

C’est toi,
Cette fraîche rose ?


qui est peut-être la mélodie la plus saillante de la partition, et certains détails de la scène du jeu, qui n’ont pas suffisamment de relief pour être saisis du public.

En général, c’est la couleur et une certaine vitalité qui manquent à cette