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suite de l’appui que l’aristocratie des duchés est allée chercher dans les cours de Berlin et de Vienne. Comment se sont engagées ces difficultés au point de vue de la situation actuelle ? Il suffit de le rappeler : c’est en 1848 que le Danemark, sans révolution, sans violences, entrait dans une voie nouvelle, et que le triomphe de l’esprit libéral était inscrit dans une constitution ; mais alors l’insurrection sévissait dans les duchés, qui restaient, par suite, en dehors de toute organisation régulière. L’insurrection fut vaincue, les duchés furent reconquis par les armes danoises. Seulement, quand tout fut fini, l’esprit de réaction était déjà né en Europe, et le Danemark se trouvait en présence des cours d’Allemagne qui intervenaient au nom de l’intérêt germanique, qui stipulaient pour les duchés en maintenant leur droit à une organisation particulière, en prétendant surtout les soustraire au régime libéral établi dans le royaume. Là commençait véritablement une lutte d’un autre genre, où le Danemark perdait par la diplomatie ce qu’il avait gagné par les armes, et où il était obligé de plier sous ce qu’on appelait une nécessité européenne, et ce qui n’était en réalité que la pression de l’absolutisme allemand. Le fruit de longues négociations suivies avec la Prusse et avec l’Autriche était la déclaration royale du 28 janvier 1852. Deux choses étaient à remarquer dans cette déclaration. Le roi promettait une constitution commune qui relierait les diverses portions de la monarchie en réglant les affaires d’un ordre général, et en même temps il promettait des constitutions particulières, des états provinciaux aux duchés, qui conservaient une existence à part. Il faut ajouter que cette déclaration était acceptée, en ce qui touche le Holstein, par la confédération germanique.

C’était donc le point de départ d’une situation nouvelle ; il en résultait la nécessité évidente d’élaborer cette constitution commune qui était annoncée et de donner aux duchés des, institutions particulières. C’est ce dont s’est occupé le gouvernement danois depuis quelques années. Des états provinciaux ont été convoqués, et ils ont reçu une mission législative, au lieu d’être simplement des états consultatifs, comme ils l’étaient auparavant. Les duchés ont eu leurs constitutions particulières. La constitution du royaume lui-même a été mise en harmonie avec cette situation nouvelle. Enfin, après bien des essais, bien des traverses et des péripéties, le 2 octobre 1855, la constitution commune était promulguée, et c’est en vertu de cette constitution que le conseil supérieur du royaume a déjà tenu une session. Cette organisation, où une grande part est laissée à l’élément germanique, où l’esprit libéral a eu à subir plus d’un mécompte, a-t-elle du moins réussi à désarmer les hostilités ? Il n’en est rien. Dès l’ouverture de la dernière session, onze membres allemands du conseil du royaume, prétendant que les droits des duchés avaient été enfreints, prenaient l’initiative d’une proposition dont le résultat eût été de faire soumettre la constitution déjà promulguée et mise en vigueur aux états provinciaux. Un cri unanime s’élevait contre ces prétentions, qui n’avaient d’autre effet que de tout remettre en doute et la proposition, après bien des débats, finissait par être rejetée ; elle ne réunissait qu’un petit nombre de voix. C’est alors que, en désespoir de cause, l’opposition allemande du Danemark s’est tournée vers les cours de Vienne et de Berlin, en implorant leur appui, qu’elle a obtenu effectivement, puisque la Prusse et l’Autriche ont recommencé à peser sur le Da-