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des affaires du pays a continué à être réglée suivant la même mesure, qui n’a jamais été élargie. Aujourd’hui comme autrefois, trois collèges électoraux seulement sont reconnus par la loi en faveur des électeurs qui jouissent du droit de suffrage à raison de leurs connaissances intellectuelles : le privilège d’être représenté au parlement n’appartient qu’aux deux universités d’Oxford et de Cambridge, et à l’université de Dublin ; le nombre de députés qu’elles y envoient est limité à six. Une répartition aussi restreinte demande a être étendue. Sans doute, les électeurs qui appartiennent aux professions libérales ont pour la plupart leur entrée dans le corps électoral ; mais, dispersés au milieu des propriétaires des comtés et des bourgs, ils sont en quelque sorte isolés, et n’ont aucun moyen d’action. D’autre part, les députés aujourd’hui élus, qui, par l’éducation qu’ils ont reçue ou la carrière qu’ils suivent, sortent des classes les plus élevées par l’intelligence, ne peuvent pas se borner à se faire choisir pour leur mérite : il faut qu’ils soient unis par des liens plus ou moins étroits aux intérêts de leurs commettans, c’est-à-dire aux intérêts de la propriété agricole ou de la propriété commerciale. Les petits bourgs, qui seuls sont plus facilement abordables aux nouveaux-venus dans la carrière politique, ont des exigences locales qui doivent être satisfaites. Il importe donc beaucoup que les électeurs qui peuvent être reconnus comme les citoyens les plus éclairés et les plus indépendans du pays soient groupés dans un même collège électoral, pour avoir le moyen de se faire représenter par des députés de choix qui aient leur confiance, et qui fassent peser l’autorité des opinions de leurs commettans dans la balance de toutes les discussions. C’est à cette fin que serait destinée l’extension du pouvoir électoral des trois universités privilégiées à d’autres universités, comme celles de Londres, de Durham, d’Edimbourg, de Glasgow, d’Aberdeen, à certaines compagnies savantes, au corps des juges, aux différens collèges des avocats, peut-être aux corporations des avoués, à celles des médecins et chirurgiens. En outre, les ecclésiastiques et les ministres seraient également appelés à se réunir dans telles ou telles circonscriptions pour s’y choisir des représentans, et l’incapacité d’être élu, qui a fermé jusqu’ici l’accès de la chambre des communes à ceux qui font partie de l’église, serait en même temps levée. La véritable élite du pays, qui, en Angleterre, est au moins aussi attachée aux intérêts de l’ordre qu’à ceux de la liberté, serait dès-lors régulièrement armée d’un pouvoir qui, du moment où il peut être bien exercé, n’est jamais méconnu sans danger. Ainsi serait assurée à la chambre élective cette réserve permanente d’hommes supérieurs par leurs connaissances de tout genre qui est nécessaire à l’autorité de toute assemblée législative.