Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 10.djvu/168

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui est l’admiration de l’auteur pour le duc de Wellington. L’Iron Duke joue un grand rôle dans tous ces essais d’enfant, et son nom sert de titre à plusieurs. Cette admiration a persisté jusqu’à la mort de Charlotte. En général, leurs héros préférés à cette époque appartiennent tous au parti tory ; ils avaient puisé cette préférence dans les conversations de leur père, ardent tory, et dans la lecture des journaux qu’ils recevaient, et qui étaient presque tous des organes de ce parti. Ils furent ainsi de bonne heure imbus de principes tories qu’ils n’abandonnèrent jamais entièrement dans la suite de leur vie. Charlotte a décrit en termes très animés l’intérêt, extraordinaire pour des enfans de cet âge, qu’ils prenaient aux débats sur l’émancipation des catholiques ; Charlotte avait environ treize ans lorsqu’elle écrivit les lignes suivantes, en s’excusant, auprès d’un lecteur imaginaire, d’avoir interrompu la publication du magazine qu’elle rédigeait avec son frère et ses sœurs :


« Mais le parlement s’était ouvert et la grande question catholique mise sur le tapis, et les mesures arrêtées par le duc avaient été exposées devant les chambres, et tout était calomnie, violence, esprit de parti, confusion. Oh ! quelle époque que ces six mois, depuis le discours du roi jusqu’à la fin de la session ! Personne ne pouvait penser, écrire ou parler d’autre chose que de la question catholique, du duc de Wellington et de M. Peel. Je me rappelle le jour où le journal vint avec le discours dans lequel M. Peel exposait les termes dans lesquels les catholiques devaient être admis. Avec quelle ardeur papa déchira les bandes du journal ! comme nous nous pressions tous autour de lui ! avec quelle anxiété nous retenions notre souffle et nous écoutions la lecture de ce discours, où l’une après l’autre toutes les mesures arrêtées étaient exposées et expliquées si bien et si habilement ! Puis lorsque tout fut fini, notre tante déclara que ce discours était excellent, et que les catholiques ne pourraient faire aucun mal avec des mesures aussi prudentes. Je me rappelle aussi les doutes exprimés sur le sort possible du bill à la chambre des lords, les prophéties de rejet, et lorsque vint le journal qui devait nous apprendre, comment s’était décidée la question, l’anxiété avec laquelle nous écoutions les détails de toute l’affaire était presque effrayante, etc., etc. »


Le tableau est complet, et, pour être écrit par un enfant de treize ans, il n’en est pas moins frappant. M. Brontë déchirant d’une main fiévreuse les bandes du journal, la vieille tante attentive, exprimant sur la question l’opinion d’une bonne protestante, les enfans se pressant autour du fauteuil de leur père et partageant son anxiété et son ardeur, comme tout cela nous transporte loin de la société qui nous est familière ! Comme tout cela est anglais ! Comme on sent bien que la politique est chez ce peuple une passion sérieuse, et qui tient une aussi grande place dans la vie de l’individu que dans la vie générale de la nation ! Dans la description de Charlotte, nous assistons pour