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cependant son respect pour la tradition est à mes yeux le signe d’un bon esprit. Familiarisé avec l’étude du passé, il sait que les artistes éminens n’ont jamais négligé de mettre à profit les œuvres de leurs devanciers. Aussi ne manque-t-il pas d’insister sur la nécessité de perpétuer la tradition. Cette manière d’envisager l’enseignement n’est pas aujourd’hui populaire. La mode est de vouloir ne relever que de soi-même. L’auteur ne redoute ni les objections, ni les railleries, et je lui sais bon gré de sa fermeté. Si l’on néglige en effet de perpétuer la tradition, on se condamne à des tâtonnemens sans nombre. Le plus sage est de mettre à profit les leçons du passé. Le maintien de la tradition n’est pas un obstacle au progrès, comme se plaisent à le répéter ceux qui ne connaissent pas l’histoire des arts du dessin. Toutes les grandes écoles en sculpture, en peinture, en architecture, qui ont voulu changer la direction de l’enseignement, ne connaissaient pas seulement l’école qui les précédait immédiatement, mais tout ce qui avait été fait ou tenté en des temps plus éloignés. Pour inventer comme pour enseigner, il faut commencer par apprendre. La génération nouvelle a grandi en se nourrissant d’autres pensées. M. de Laborde, témoin de l’anarchie qui règne aujourd’hui dans les arts du dessin, appelle de tous ses vœux le rétablissement d’une forte discipline. Lors même qu’on trouverait ses principes trop rigoureux, il serait encore opportun de s’y rallier, car, grâce à l’anarchie, bien des forces se dépensent en pure perte. Chacun va de son côté, sans guide, sans conseils, sans but déterminé, ou plutôt sans autre but que l’accomplissement de sa volonté personnelle. Rien de mieux pour ceux qui savent ; mais pour ceux qui ne savent pas, ceux dont l’éducation n’est pas achevée, dont souvent même l’éducation n’est pas ébauchée, cet amour de l’indépendance n’est qu’un amour stérile. L’auteur le sait depuis longtemps, et fait de son mieux pour montrer le danger. Si les oreilles demeurent fermées à ses avertissemens, il aura du moins le contentement d’avoir signalé le mal. La tradition, qui n’est pas aujourd’hui en honneur, trouve en lui un défenseur sincère, sinon toujours habile. Parfois il arrive à M. de Laborde de compromettre sa cause, de produire des argumens inutiles ou imprudens ; mais son point de départ est excellent, et ce qu’il veut, nous le voulons.

Le but des arts du dessin est aujourd’hui méconnu trop souvent par ceux mêmes qui les ont choisis comme une profession. L’enseignement fondé sur la tradition est le seul qui puisse remettre les choses en meilleur état. Si l’on ne veut pas que la peinture, la sculpture, l’architecture deviennent des métiers, il faut que les leçons de l’école ne se renferment pas dans la limite des procédés matériels. Or ce qui se fait ne s’accorde guère avec nos vœux. L’enseignement de