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années, 1854 et 1855[1]. Les dangers qu’il affronta pour arriver au but qu’il s’était proposé, son énergie, son dévouement constant à la science, voilà ce qu’il nous importe de montrer. Rappeler ces beaux exemples, c’est faire le plus digne éloge de qui les a donnés. Il s’agissait pour Wahlberg d’ajouter dans ses collections, à la flore et aux insectes du pays presque inconnu dans lequel il pénétrait, de beaux exemplaires des individus composant la faune sud-africaine. L’antilope n’est point féroce ni dangereuse ; Wahlberg raconte cependant qu’il dut continuer pendant douze jours consécutifs une chasse des plus fatigantes pour atteindre l’antilope noire, la seule espèce dont il voulût avoir un spécimen. Lorsqu’enfin sa balle, après une si active recherche, eut frappé la proie qu’il avait si longtemps convoitée, mourant de soif, il se précipita sur les mamelles de l’animal expirant, et y chercha un adoucissement aux cruelles tortures qu’il endurait.

C’étaient là des difficultés et des peines ordinaires. Écoutons-le raconter dans sa correspondance, dont nous avons entre les mains quelques extraits, les incidens plus dramatiques de la chasse au rhinocéros par exemple. Wahlberg apprit dès ses débuts, au prix d’un imminent péril, de quel singulier protecteur la nature a doué cet énorme animal. Le bufaga, sorte de petit héron blanc, se perche, au milieu des épais fourrés de l’Afrique, sur le dos du buffle ou du rhinocéros, et se nourrit des tiques qu’il rencontre sur le corps de ces quadrupèdes. Le rhinocéros peut marcher et paître, ses mouvemens ne gênent en rien le bufaga, dont il ne s’effraie pas non plus ; mais quand le rhinocéros, debout dans les marais, sous la chaleur étouffante du midi africain et tropical, rumine, demi-endormi, sa nourriture, c’est alors surtout que le bufaga lui devient un ami précieux. Il veille en effet pour lui, et s’il voit approcher la hyène, ou le serpent, ou le chasseur, il avertit immédiatement le rhinocéros en s’envolant avec un grand fracas et des cris perçans. « Le rhinocéros d’Afrique, dit Wahlberg dans une de ses lettres, est fort irritable et prend aussitôt l’offensive. Me trouvant un jour en présence d’un de ces animaux, je vis tout à coup le bufaga s’envoler de la sorte, et au même instant mon ennemi se précipiter sur moi. Comme je n’avais que mon fusil ordinaire, chargé à petit plomb, je pris la fuite au plus vite. Par bonheur, au moment où je sentais déjà sur mon dos la forte et chaude haleine du redoutable animal, nous rencontrâmes un arbre énorme renversé en travers du chemin ; je sautai par-dessus : le rhinocéros étonné s’arrêta court, soufflant avec bruit, jetant sa tête à droite et à gauche, puis se retourna brusquement et s’éloigna. »

Un jour, dans une expédition qu’il faisait jusqu’à une assez grande distance de son campement, c’est-à-dire de l’endroit où il laissait son chariot avec quelques hommes de garde, Wahlberg est abandonné par ses guides, qui lui emportent même ses provisions et son fusil… « Le soir approchait, écrit-il dans ses lettres ; je me trouvai absolument seul, entouré bientôt des ténèbres, et sans autre arme que mon bâton, au milieu des bêtes féroces dont j’entendais commencer les rugissemens. J’avais perdu toutes traces du

  1. Voyez le Lac N’Gami, Voyage de découvertes dans le sud-ouest de l’Afrique, par Ch. J. Anderson, 2 vol. in-8o, en anglais.