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bœufs, ou lorsqu’il a besoin d’acheter des guides ou des serviteurs, il chassa pendant quelques jours l’éléphant, et revient avec un chargement d’ivoire, pour lequel il obtient ou des hommes, ou des bœufs, ou de l’argent. La chasse à l’éléphant offre à la vérité de grands dangers. Tout éléphant blessé devient redoutable. Quelques-uns attaquent de préférence ceux de l’espèce qui est privée de défenses, ou bien ils tâchent de surprendre l’animal au moment où il déguste le makano des Cafres Amazulus et l’om-kouschloudne, fruits sauvages qu’il abat de sa trompe et laisse à dessein quelques jours sur le sol, parce qu’en fermentant sous le soleil, ils acquièrent une propriété enivrante qui est du goût de l’éléphant. Voici comment, suivant le récit de Delegorgue, se fait d’ordinaire dans le sud de l’Afrique cette chasse aux éléphans. Trois chasseurs s’étendent à plat-ventre à la suite l’un de l’autre, simulant le mieux qu’il leur est possible, s’ils sont aperçus de l’éléphant, un serpent qui se glisse à travers les herbes. On rampe sur les genoux et les coudes jusqu’à une trentaine de pas du but. Arrivés là, tous se dressent de concert, et trois balles essaient ensemble d’atteindre la partie concave qui se trouve au-dessus de l’œil de l’animal. Toutefois l’éléphant n’est pas toujours facile à entourer et à cerner ; ces animaux marchent souvent en troupes de cinquante, de cent, de deux cents individus. Un d’eux avertit de l’approche du chasseur, et aussitôt, comme sur un mot d’ordre fort bien compris, la troupe s’ébranle, les défenses s’entrechoquent, les taillis et les arbustes sont piétinés comme herbe menue, et la troupe disparaît. Dans ces derniers temps, quelques chasseurs d’éléphans ne combattaient qu’à cheval et avec d’excellentes montures. Wahlberg ne voulut jamais accepter ce système. Très agile et très hardi, il combattait à pied, assurant qu’on avait ainsi le tir moins incertain et même la retraite plus facile. Il tua de la sorte, dit-on, jusqu’à quatre cents éléphans, et les naturels, frappés d’admiration et de respect, disaient : « Le Grand-Esprit a donné un grand cœur au tueur d’éléphans (ils le nommaient ainsi). Il est petit de taille, mais son cœur est plus grand que celui du plus grand homme. »

Nous l’avons dit, nul entraînement, n’était capable de faire oublier à Wahlberg les intérêts de la science. « Le 13 septembre 1844, écrit-il, nous campâmes à Lepenula, sur les bords du fleuve Umslabezi, dans un pays rempli de pintades, de singes, de crocodiles et d’éléphans. Je tuai, le lendemain 14, un admirable éléphant, grand, vigoureux et dans la force de l’âge. Bien que je n’eusse avec moi que quatre nègres, je résolus d’en préparer le squelette. Ce n’était pas une petite affaire. Nous établîmes notre campement au milieu des acacias épineux, tout près du cadavre ; nous élevâmes en cet endroit même une hutte de branches et de feuilles que je recouvris le lendemain de la peau de l’éléphant. Nous nous mîmes seulement alors au véritable travail. Au bout de deux journées, la bête était dépecés, toutes les chairs épaisses coupées, et j’envoyai à mon principal campement chercher un chariot. Pendant les huit jours qui s’écoulèrent avant que le chariot arrivât, j’achevai avec trois hommes le pénible travail, et nous frayâmes ensuite un chemin pour la voiture. Les hyènes à la vérité nous fatiguaient beaucoup, attirées en grand nombre par l’infection qui commençait à s’étendre. J’en blessai et j’en tuai plusieurs. Il me venait aussi des lions, surtout pendant la nuit.