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aristocratiques et fédéralistes, de l’autre d’élémens démocratiques, mais dans laquelle, en somme, l’aristocratie dominait. Le stadhouder ou le pouvoir exécutif s’appuyait sur les masses, lesquelles cherchaient en lui un chef suprême dont la main pût les défendre contre la tyrannie des grands ou des patriciens ; leur cri de ralliement était : « Orange boven, l’orange en haut ! » Les états, eux, s’appuyaient sur les régences des villes, souveraines dans leur district. Il résultait de cet antagonisme des deux pouvoirs, dont le premier cherchait toujours à déborder le second, des luttes incessantes, luttes pleines de péripéties. Le stadhoudérat fut de temps en temps aboli ; les guerres que le pays eut à soutenir ramenèrent toujours cette autorité vague, mal définie, mais à laquelle le souvenir du Taciturne donnait un prestige dangereux pour les libertés publiques. À tous les momens de crise, la nation éprouvait le besoin de se personnifier dans un homme, et cet homme était alors d’autant plus prépondérant que son autorité reposait sur la nécessité, sur l’enthousiasme quelquefois aveugle de la multitude et sur l’ombre d’un grand nom. Dans les mêmes archives, j’ai vu le manuscrit de l’union d’Utrecht. Ce traité fut écrit et signé sur un cahier de gros papier commun. Toutes les Provinces-Unies s’y engagèrent à former une ligue pour secouer le joug de l’Espagne. Ce manuscrit historique, d’une forme simple et rude, contraste singulièrement avec le traité de Westphalie, tracé sur du magnifique parchemin et conservé dans une boîte de velours, à coins et à fermoirs dorés. L’une de ces deux pièces est en quelque sorte la crèche de la liberté hollandaise, l’autre en est la résurrection. Le traité de Westphalie commence par une phrase curieuse : « Voulant mettre un terme aux maux que la guerre perpétue entre les peuples… » L’archiviste, M. Backhuyzen, me faisait observer avec raison que le gouvernement espagnol avait mis un bien longtemps à s’apercevoir de ces maux et à y compatir. L’acte d’union qui fonda l’existence nationale de la Hollande date de 1579 ; l’acte qui la consacra, par la déclaration solennelle de l’Espagne, date de 1648. Un autre acte important, celui qui rendit la paix à l’Europe en terminant la guerre de la succession espagnole, fut signé en 1713, dans l’ancien hôtel-de-ville d’Utrecht, communément nommé het Huis van Loo, et qui se trouve aujourd’hui transformé en caserne. La Hollande était alors le théâtre des négociations politiques entre les grands états. À une lieue de La Haye s’élève la flèche de l’église de Rijswijk, un petit village près duquel, en 1697, fut conclu un autre traité de paix entre la Hollande, l’Angleterre, la France et l’Espagne. Ce traité fut signé dans une maison du prince d’Orange, qui a aujourd’hui disparu, mais dont l’emplacement est marqué par un obélisque. Les villes, souvent même les simples villages de la