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Je me bornerai à citer un très ancien poème intitulé Natuurkunde {Philosophie de la Nature), dans lequel l’auteur parle des étoiles, « ces chandelles de l’air, » des astres « qui chantent entre eux des chants merveilleux, » des démons, « chevaliers des ténèbres qui vivent dans l’éther et qui font toute sorte de mal aux hommes. » Un catholique hollandais, M. Alberdingk Thijm, a rendu le service d’exhumer plusieurs autres monumens primitifs de la langue néerlandaise[1].

L’influence bourguignonne avait cependant altéré le caractère original de l’ancienne littérature de la Hollande. La langue néerlandaise perdait chaque jour du terrain dans les classes élevées. Il est certain que les racines de l’idiome national se trouvaient fortement atteintes par les secousses politiques, les émigrations, l’invasion des réfugiés de tous les pays, qui cherchaient un asile en Hollande. Cet idiome fut en conséquence négligé par les beaux esprits et les écrivains qui visaient à la célébrité. Van Baarle, qui vivait à la fin du XVIe siècle, adresse cette remontrance à deux jeunes poètes dont il était le patron : « Quelle langue parlons-nous, nous autres Néerlandais ? Un idiome composé de mots empruntés à un jargon étranger. Nous ne sommes qu’une bande nomade de Cattes conduits par le hasard vers les bouches du Rhin. Pourquoi donc ne pas adopter de préférence la langue sacrée de Rome ? Les puissans descendans de Romulus ont autrefois campé dans ces plaines que nous habitons. » Il est heureux que ce conseil n’ait point été suivi. Si les Hollandais n’avaient point eu de langue, ils n’auraient point ressaisi leur nationalité. Sans le secours des prédications faites dans l’idiome vulgaire, sans les publications en vers et en prose de van Breederode et des chefs de chambres de rhétorique, les populations néerlandaises n’auraient jamais été remuées par le souffle de la parole et de l’idée au point où elles le furent au milieu du XVIe siècle. On doit donc un souvenir respectueux aux fondateurs de la langue et de la littérature nationales. Déjà les écrits de Philippe de Marnix avaient paru ; déjà dans la cité d’Amsterdam s’était formé un noyau de littérateurs distingués autour de deux hommes, Coornhert et Spieghel, présidens de la chambre de rhétorique, qui portait pour devise : In liefde blœyende (elle fleurit au sein de l’amitié). C’était le berceau de la régénération littéraire qui devait préparer la régénération politique et religieuse.

Tel était l’état des esprits et le mouvement de la littérature nationale lorsque parut Hooft. Peter Cornelisszon Hooft avait fait ses

  1. Ces travaux ont paru pour la première fois dans un recueil estimable, l’Astrée, dirigé par Dr Wap.