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premier historien et l’un des plus remarquables écrivains de la Hollande, j’aime à chercher dans la littérature néerlandaise un esprit plus naïf, plus original, qui ait vu son temps et son pays à travers ses impressions personnelles et non à travers un reflet de l’antiquité. Cet historien, le trouvera-t-on dans Jan Wagenaar ? Ce dernier n’a point la phrase sévère et magistrale de Hooft. On peut même dire avec M. Groen van Prinsterer que c’est un écrivain médiocre. Ne lui demandez ni l’enthousiasme, ni les vues élevées, ni la couleur. Son style est clair, mais froid et traînant, sa pensée sans élévation. On l’a surnommé avec trop d’indulgence le Hume néerlandais. Né à Amsterdam en 1709, il avait été nourri dans la pratique du commerce, circonstance à laquelle on peut attribuer le caractère positif de son esprit, enclin surtout aux détails, et son style, auquel convient assez bien l’épithète de bourgeois. On a reproché en outre à son ouvrage l’étendue disproportionnée qu’occupe l’histoire de la Hollande, comparée à celle des autres Provinces-Unies. Il serait pourtant injuste de lui refuser un mérite assez rare : Wagenaar est un collecteur scrupuleux des faits et des documens. Il a rendu sous ce rapport un grand service à ceux qui ont écrit et qui écriront après lui l’histoire des Pays-Bas. Son ouvrage, publié successivement de 1749 à 1759, parut d’abord en vingt gros volumes ; mais le nombre en fut doublé par les additions et par des suites, que rédigea en grande partie l’élève de Wagenaar, l’archiviste van Wyn : ces suites embrassent la seconde moitié du siècle. Ce volumineux travail a pour titre : Histoire de la Patrie et des Provinces-Unies, spécialement de la Province de Hollande, depuis les temps les plus reculés Jusqu’en 1751.

L’Histoire de la Patrie a joui pendant longtemps en Hollande, surtout dans la classe moyenne, d’une vogue prodigieuse. Wagenaar, malgré de grandes prétentions à l’impartialité, avait ouvertement embrassé la cause des éclats dans cette longue lutte historique entre les deux pouvoirs. On aime à suivre dans son livre, au milieu des orages, le berceau dès institutions représentatives flottant sur une mer agitée. Un succès si durable, si exclusif, qui défiait tous les autres essais historiques, suscita enfin un contradicteur, et ce contradicteur fut Bilderdijk. Le poète hollandais avait commencé en 1811 une Histoire nationale, dont la police ombrageuse de l’empire, d’accord peut-être avec les anciens magistrats d’Amsterdam, avait gêné la publication. Bilderdijk, dégoûté par ces obstacles, abandonna son œuvre pendant quelques années. Plus tard il y revint, et cela par la voie de l’enseignement. Il avait formé parmi les élèves de l’université de Leyde une sorte d’école historique, d’où sortit M. Groen van Prinsterer, aujourd’hui conservateur