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La Vie de Merula, martyr protestant, par le professeur Moll, est une esquisse émouvante qui devait attrister et flatter en même temps les croyances nationales. MM. Dermout et Ypey ont écrit une Histoire de la Réformation aux Pays-Bas ; la monographie de M. Koenen sur kes réfugiés réformés français, d’autres études sur les diverses communautés établies l’une à côté de l’autre en Hollande ne sauraient être oubliées ici.

La Néerlande a des historiens ; mais la philosophie de l’histoire y a compté jusqu’à ce jour peu de représentans[1]. Cette lacune tient probablement à la nature du génie hollandais, plus enclin à raconter les faits qu’à en rechercher les causes. Ce ne serait pourtant pas sortir du caractère pratique que de remonter à la source des événemens qui ont successivement réduit l’importance de cette nation, autrefois prépondérante sur les mers et dans les conseils de l’Europe. La décadence !… je ne veux point donner à ce mot une signification amère : plus d’un grand état aurait à envier la tranquillité, la richesse et les libertés vraies dont jouissent les Pays-Bas à l’ombre de leurs institutions tutélaires. Tous les Hollandais de bonne foi s’empressent pourtant de reconnaître que la Hollande n’est plus aujourd’hui ce qu’elle était au XVIIe siècle. Les causes qui ont amené cet amoindrissement sont nombreuses : il me suffira d’en indiquer une, et je la prendrai dans l’ordre moral. La réformation calviniste avait communiqué aux Provinces-Unies un mouvevement d’expansion immense. La Néerlande dut à cette influence religieuse, âme de l’affranchissement politique, une partie de son audace sur les mers et de sa merveilleuse force de résistance devant la coalition des armées étrangères. Depuis ce temps-là, le protestantisme a cessé d’être militant : si un long état de repos n’a point enlevé l’énergie aux croyances nationales, il en a du moins diminué la puissance d’impulsion. Au sein de cette tranquille victoire, les Pays-Bas n’ont pas su trouver dans un autre ordre d’idées une nouvelle source d’inspirations héroïques. Réduite à un rôle à peu près passif au milieu des convulsions qui ébranlèrent la société vers la fin du XVIIIe siècle, et qui rajeunirent les forces de quelques états, la Néerlande dut subir une révolution qu’elle n’avait pas faite. Pour que les nations résistent à l’influence étrangère, il faut qu’elles soient heureuses chez elles, il faut qu’elles jouissent d’institutions libres, solides, spontanées, dont le jeu flexible et naturel s’accorde avec leurs mœurs. La Hollande réunissait ces rares avantages : aussi, tout en

  1. Il y a cependant un écrivain qui a su, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, appliquer les procédés de la philosophie historique à un sujet important, l’origine et la prospérité des Pays-Bas. C’est Simon Styl. Il se distingue surtout par une rave habileté à démêler la cause des événemens et à dessiner vivement les caractères des personnages.