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cette compagnie forma des alliances avec les souverains de l’Inde pour bâtir des forts et placer des gouverneurs néerlandais dans l’intérieur des îles. Comme les naturels de l’Inde n’auraient rien compris à la souveraineté des états, les alliances furent généralement conclues au nom du stadhouder. Un des avantages immédiats qu’apporta l’établissement de la compagnie des Indes fut de concentrer les forces navales des Pays-Bas. La nation hollandaise fut ainsi à même de repousser les attaques du roi d’Espagne, qui, depuis quelque temps, réunissait tous ses efforts pour arrêter les progrès du commerce néerlandais dans les Indes. Il ne se passait presque pas d’année sans que les vaisseaux marchands de la Hollande se rencontrassent avec les navires de l’Espagne dans les mers orientales. Il s’ensuivait des engagemens sérieux et opiniâtres, dans lesquels l’avantage demeurait le plus souvent aux marins hollandais. La compagnie, pour mettre un terme à ces violences, équipa une flotte de quatorze vaisseaux bien armés, dont Wybrand van Warwyk fut nommé amiral. Wybrand demeura près de cinq années dans ces mers, où il rétablit la sécurité. En 1606, il découvrit l’île à laquelle il donna le nom de Maurice.

Cependant la compagnie des Indes s’était élevée en quelques années à un état florissant. Elle jouissait aux Indes d’une autorité absolue. Elle nommait elle-même son gouverneur-général, ses magistrats, ses amiraux et tous ses officiers de mer et de terre, lesquels prêtaient d’ailleurs serment d’obéissance aux états. Elle faisait la guerre et la paix. Elle recevait les ambassadeurs des rois qui voulaient traiter avec elle et leur envoyait ses représentans. Elle avait obligé plusieurs petits princes à lui céder leurs possessions ou à devenir ses tributaires. Elle avait fondé des colonies, bâti des forts et des villes partout où elle le jugeait utile à ses intérêts. Elle entretenait un bon nombre de troupes réglées et une quantité innombrable de vaisseaux qui couvraient les mers des Indes, ou qui revenaient en Hollande chargés des richesses de tout l’Orient. Cette prospérité souveraine éveilla la jalousie de la compagnie anglaise des Indes[1]. La compagnie hollandaise accusait de son côté la Grande-Bretagne d’exciter parmi les naturels des sentimens d’hostilité et de leur fournir des armes, des munitions contre les marins des Pays-Bas. En 1615, Grotius essaya d’accommoder quelques différends qui avaient surgi entre les deux compagnies. Les négociations étaient encore pendantes lorsque les Hollandais, animés par un sentiment de défiance, jetèrent les fondemens de la ville de Batavia, dans l’île de Java.

  1. Quiconque voudra écrire avec impartialité l’histoire maritime de la Hollande devra consulter à Londres les archives de l’Angleterre. Dans ce riche et immense dépôt, nous avons trouvé une foule de pièces relatives aux différends survenus entre les deux peuples qui se sont si longtemps rencontrés dans la paix et dans la guerre.