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les Indes-Orientales qui appartiennent à la Hollande ayant été dans cette Revue même l’objet d’une étude intéressante[1].

Une plaie ancienne afflige malheureusement les possessions de la Hollande connues sous le nom d’Indes-Occidentales, et cette plaie, c’est l’esclavage. Bien peu d’hommes d’état hollandais soutiennent en principe une institution contraire à l’esprit du christianisme, mais quelques-uns d’entre eux se fondent sur des considérations économiques pour apporter quelques délais à l’abolition de l’esclavage des noirs. Cette question a été plusieurs fois, au sein des états-généraux, le terrain de discussions orageuses qui se sont prolongées dans la presse quotidienne. Les choses en étaient là lorsque parut il y a trois ans, dans les Pays-Bas, un livre[2] qui, pour l’effet et le retentissement, sinon pour la forme, ne peut guère être comparé qu’à la Case de l’oncle Tom. L’auteur est un ancien ministre protestant, aujourd’hui membre des états-généraux, M. van Hoevell. Son caractère honorable, son nom déjà connu dans la littérature néerlandaise, ses longs rapports avec les populations exotiques, tout donnait à cette publication un cachet d’autorité. Les gravures jointes au texte étaient de nature à provoquer l’horreur, la pitié, l’indignation, tous les sentimens énergiques du cœur humain. Aussi l’émotion fut-elle profonde et étendue. Ce livre obtint dans l’espace d’une année les honneurs de trois éditions réelles, succès rare en Hollande.

Le docteur van Hoevell choisit pour théâtre de ses observations une des possessions hollandaises, l’île de Surinam. Son ouvrage n’est ni un roman, ni une histoire, ni un voyage : c’est une enquête. Une suite de témoignages, de récits et d’épisodes, dont il écarte, dit-il, avec soin toute fiction littéraire, telles sont les pièces à l’aide desquelles l’auteur instruit avec une résignation triste le procès de l’esclavage.

La possession de Surinam ou la Guyane néerlandaise est un des plus beaux pays du monde. M. van Hoevell décrit avec enthousiasme, avec amour, cette opulente et heureuse nature, ces savanes embaumées, ces bois de palmier-pina, de tamarins, d’orangers, de cactus, de bananiers, ces lacs ombragés par les lianes aux fleurs grimpantes. Dans certains districts, le génie hollandais a transporté ses préoccupations et ses habitudes favorites. Plusieurs colons se sont établis de préférence dans des zones marécageuses, où ils ont continué les traditions de la patrie absente en suspendant les rivières entre de gigantesques digues, en creusant des canaux, en assujettissant les fleuves à leurs moyens de locomotion, en rectifiant le cours des eaux,

  1. Voyez les livraisons du 1er novembre, 1er décembre 1848 et 1er février 1849.
  2. Slaven en Vrijen onder de Nederlandsche Wet. Une bonne étude intitulée Liberté et Esclavage, par M. Hubert van Soest, a été publiée sur ce livre de M. van Hoevell, en 1856, à La Haye.