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combinant son mouvement avec celui d’Héraclius. L’exécution fut prompte et décisive aux deux ailes. Marcellinus, heureusement débarqué en Sardaigne, eut bientôt balayé l’île de tout ce qu’elle contenait de Vandales et rétabli le drapeau romain. Non moins heureux dans son coup de main sur Tripoli, Héraclius enleva la ville et vit accourir à lui, d’un bout à l’autre de la province tripolitaine, les anciens sujets romains et les indigènes attachés aux souvenirs de Rome. Basilisque de son côté, avec l’escadre du centre, dispersa la flotte vandale qui voulut couvrir l’approche de la Sicile : tout semblait assurer la victoire aux Romains. Genséric lui-même le crut, et, saisi d’une terreur panique, il courut se renfermer dans le port de Carénage, où rien d’ailleurs n’était prêt pour soutenir un siège. Si Basilisque l’avait suivi, si ses troupes de débarquement étaient venues montrer aux Carthaginois les aigles romaines, la ville était prise. Au reste le roi vandale les attendait. Plongé dans un morne abattement, il interrogeait au loin la pleine mer, lorsque les voiles de Basilisque parurent à l’horizon, mais elles s’éloignaient de la direction de Carthage et poussaient au large du côté de l’orient. Genséric sentit qu’il était sauvé, et avec l’espérance il retrouva les ressources inépuisables de son génie.

La ville de Carthage était bâtie, comme on sait, dans l’intérieur de ce vaste golfe que forment, à l’occident le cap Zibib, alors nommé promontoire d’Apollon, à l’orient le cap Bon, qu’on appelait Hermœum, promontoire de Mercure. À l’ouest de ce dernier, et dans une anse voisine de la pointe, se trouvait une petite ville du même nom, offrant un mouillage d’étendue médiocre et exposé en outre aux vents les plus dangereux de la côte. On comptait deux cents quatre-vingts stades ou quatorze de nos lieues entre Carthage et le bourg de Mercure. C’est là que Basilisque vint jeter l’ancre, soit par impéritie, soit par une prudence excessive dans la circonstance actuelle, afin de s’enquérir de la marche d’Héraclius et de, sonder par lui-même les dispositions des habitans. Il était à l’ancre depuis quelques heures seulement, lorsqu’arriva dans son camp un officier vandale porteur d’un message de Genséric. Le message était humble et semblait respirer le plus complet abattement : « Le roi des Vandales, repentant des offenses qu’il avait faites aux Romains, promettait, disait-il, de se soumettre à l’empereur Léon et de vivre en paix avec lui ; mais, tout en se reconnaissant vaincu, il devait consulter son peuple sur les conditions de cette paix : quelque délai était nécessaire pour prendre à cet égard un parti, et il demandait à Basilisque cinq jours de trêve, au bout desquels il lui ferait connaître la résolution commune. » L’envoyé, prenant ensuite à part le général romain, lui remit, au nom de son maître, une somme considérable,