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aux Alpes noriques, maîtresse des montagnes et de leurs défilés, tenait l’Italie comme emprisonnée dans ses serres commença bientôt à remuer. Ce furent d’abord les compatriotes de Ricimer qui, renouvelant leurs courses eh Pannonie, ou les continuant en Espagne, semblèrent donner le signal d’un pillage universel. Euric, réconcilié avec l’empereur depuis un an, reprit la guerre sans raison ni prétexte, ravageant plus cruellement que jamais les provinces centrales de la Gaule. Il n’y eut pas jusqu’aux Franks qui, descendant de leurs cantonnemens de l’Escaut jusqu’à la Basse-Loire, ne vinssent attaquer l’empire ; ils tuèrent un comte romain nommé Paulus et enlevèrent Angers d’assaut. Comme pour mettre le comble au désordre, une tentative d’usurpation eut lieu en Italie de la part d’un Italien nommé Romanus : un souffle malfaisant amoncelait à plaisir toutes les tempêtes sur le trône d’Anthémius, qui put reconnaître encore une fois ce que valait la paix de Ricimer. Romanus, saisi et remis aux mains des décemvirs, fut puni du dernier supplice. Quant à la Gaule, abandonnée sans secours aux dévastations d’Euric, soupçonnant d’ailleurs ses principaux fonctionnaires de connivence avec le roi barbare, elle suppliait Anthémius de lui donner pour patrice et généralissime un noble Arverne en qui elle mettait sa confiance, Ecdicius, beau-frère d’Apollinaire et fils de l’empereur Avitus ; mais Anthémius, occupé de ses propres embarras et peu soucieux du reste, gardait le silence.

Dans cette extrémité la Gaule fit appel à sa propre énergie ; les nobles armèrent leurs cliens, les citadins se formèrent en milices ; on élut des chefs, et par des correspondances, par une police spontanée et volontaire, par des ligues formées entre les personnes et entre les villes, on se mit en mesure d’arrêter d’une part le progrès des Goths, de l’autre la trahison des fonctionnaires. Sidoine, enlevé de nouveau au repos de ses livres, se trouva l’un des chefs les plus ardens et les plus accrédités de ce mouvement patriotique, qui consistait à conserver la Gaule aux Romains en quelque sorte malgré Rome. Chargé d’enrôler pour la cause de la patrie tout ce qui restait encore de cœurs généreux, il écrivait à un de ses amis : « Accours à nous, toi et tous ceux qui te ressemblent ; venez au secours de la cité d’Auvergne, menacée dans sa liberté. Si la république est sans force, si nous n’avons plus de secours à attendre, si, comme il ne paraît que trop vrai, le prince Anthémius est réduit à l’impuissance, aidez-nous au moins de vos conseils. La noblesse arverne doit-elle s’expatrier ou se faire couper les cheveux, pour aller s’enterrer dans les cloîtres ? Vous nous aiderez à choisir entre ces deux partis, les seuls qui nous restent. »

L’Italie était perdue, si les Burgondes, qui tenaient pour la cause