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nuer le prestige du Piémont. Sans doute le Piémont est un état libéral, il défend autant qu’il le peut les vrais intérêts de l’Italie et ses justes aspirations, il ne dissimule pas que sa politique tend à l’affranchissement de la péninsule ; mais le Piémont ne se fait pas le soldat de la république et de l’unité italienne, et c’est là son irrémissible tort aux yeux de M. Mazzini. Quant au roi de Naples et aux chefs des autres états de la péninsule, à qui l’Europe demande un plus doux système de gouvernement, les révolutionnaires italiens sont toujours prêts, on ne peut le nier, à leur fournir des argumens qu’ils peuvent opposer aux conseils désintéressés et prévoyans de l’Angleterre et de la France. Ces argumens ne sont que spécieux sans nul doute, mais ils existent, et c’est ainsi que l’intervention des passions et des fanatismes révolutionnaires se laisse voir dans toutes les espérances trompées de l’Italie.

Pour le moment donc, en dehors de ces événemens italiens, qui sont déjà de l’histoire, que reste-t-il dans les affaires de l’Europe ? La question des principautés, bien que s’agitant sur un théâtre lointain, est la plus sérieuse, non-seulement par les intérêts qui s’y rattachent, mais encore par les luttes intimes, incessantes qu’elle suscite dans la diplomatie. Ces élections qui ont lieu sur le Danube offrent depuis quelque temps en vérité un curieux spectacle. On y voit des populations qui demandent à pouvoir émettre librement leurs vœux, des gouvernemens locaux persistant à paralyser toute manifestation sincère des opinions, et des agens européens mettant tout leur zèle et tous leurs efforts à maintenir l’autorité d’une transaction solennelle que d’autres puissances s’obstinent à méconnaître ou à interpréter arbitrairement. L’exécution du firman d’élections et les excès de pouvoir commis dans les principautés provoquaient il y a plus d’un mois, comme on sait, la réunion d’une conférence à Constantinople. Cette conférence décidait que les caïmacans seraient rappelés à une application loyale des traités, que la commission européenne rassemblée à Bucharest trancherait toutes les difficultés relatives aux élections, et que les résolutions des commissaires réunis seraient transmises, quoique par voie confidentielle, au caïmacan moldave, qui s’obstinait malgré tout dans le plus étrange système de violences. Les ordres étaient délibérés et rédigés pour être transmis par la Porte dans les principautés. On pensera peut-être que ce devait être là un acte sérieux, d’autant plus que la conférence de Constantinople et la commission européenne de Bucharest ne sont en définitive qu’une émanation du congrès de Paris. Qu’est-il arrivé cependant ? Il faut bien choisir entre deux hypothèses : ou la Porte, en transmettant les ordres préparés par la conférence, a secrètement envoyé en même temps des ordres contraires en Moldavie, ou le caïmacan moldave, M. Vogoridès, s’est cru assez fort pour se mettre au-dessus des instructions qu’il recevait. En réalité, il a suivi son chemin ; il a redoublé de violences, et, sans attendre les décisions de la commission de Bucharest, il a publié les listes électorales qui doivent servir à la nomination des membres du divan. Ces listes, il était facile de prévoir d’avance ce qu’elles seraient ; elles ont provoqué une protestation universelle. À la faveur de la confusion née de toutes ces questions de l’âge, de l’indigenat, de l’indivision des propriétés, des charges hypothécaires, M. Vogoridès a tranché