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ce qui explique et justifie la mesure prise par le gouvernement du roi Léopold. Les fautes commises ou les desseins entrevus au sein du parti catholique, et les périls divers que, sous les noms de couvens, biens de main-morte, captation d’héritages, prépondérance cléricale, on en pourrait redouter pour le nouvel ordre social et les libertés de la Belgique, expliquent-ils et justifient-ils également l’opposition ardente et ardemment prolongée qu’a rencontrée le projet de loi belge, et qui a servi de préface et de prétexte à l’émeute ? Je ne puis le penser.


VII

J’ai lu attentivement tout ce long débat. J’ai rencontré plus d’une fois, dans les discours des orateurs du parti catholique, des idées que je ne partage pas, des raisonnemens que je contesterais ; mais l’impression générale qui m’en reste n’est point celle d’un esprit de violence et de réaction, hostile aux tendances comme aux principes de la société moderne. On y sent au contraire un respect qui n’a rien d’affecté pour la constitution du pays, un attachement pratique à ses libertés, un certain souffle libéral qui ne s’éteint point dans les emportemens de la lutte contre les libéraux, et que j’ai pris plaisir à rencontrer au milieu des ardeurs de la foi et de la piété catholique. Je reste persuadé que la plupart des chefs parlementaires du parti catholique blâment amèrement certaines démarches, certaines paroles de la fraction violente et rétrograde du parti, et que si elle tentait de faire monter au pouvoir et passer en lois le fond de ses idées et de ses desseins, cette fraction n’obtiendrait pas la majorité dans cette majorité catholique qui prévaut aujourd’hui au sein de la chambre des représentans belges, et qui vient de voter les articles essentiels du projet de loi sur la charité.

Ma persuasion à cet égard n’est point une simple conjecture ; le passé m’y autorise et m’y confirme. Plus d’une fois déjà la Belgique a été gouvernée par des cabinets issus du parti catholique, qui les soutenait fermement. Le parti libéral a pu désapprouver leur politique et combattre leurs mesures, il a pu légitimement désirer leur chute et croire que son gouvernement vaudrait mieux que le leur ; mais en fait général, et pour des spectateurs étrangers aux luttes des partis, il est évident que ces cabinets catholiques n’ont ni attaqué, ni compromis la constitution belge, que sous leur administration les libertés belges se sont développées sans obstacle ni altération grave, qu’en Belgique en un mot le parti catholique et le parti libéral sont deux partis de gouvernement, divers, mais non radicalement contraires, tous deux naturels et nationaux, tous deux capables d’exercer régulièrement le pouvoir, et destinés à s’y succéder tour