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comme nous, deux pieds et deux mains, mais quatre mains, ce qui fait qu’ils ne marchent point aussi bien que nous, mais qu’ils grimpent facilement sur les arbres.

Nos crânes et nos divers ossemens de quadrumanes doivent être rapportés au genre des semnopithèques. MM. Roth et Wagner avaient pensé qu’ils appartenaient à deux espèces qui se distinguent par les dimensions de leur taille et par le développement de leurs dents ; mais ces différences pourraient, selon nous, provenir des variations qui se produisent dans presque tous les genres entre les mâles et les femelles ; le mâle, on le sait, est généralement plus robuste et plus fortement armé. Un jour viendra sans doute où le progrès des sciences naturelles permettra d’apprécier, chez un grand nombre d’animaux fossiles, non-seulement les différences d’espèces, mais encore celles de sexe.

La découverte des singes fossiles contribue à prouver que, dans les anciens temps, l’Europe fut plus chaude qu’elle ne l’est aujourd’hui : ces animaux, qui ne peuvent vivre sans une haute température, n’existent plus en Europe[1] ; au Caire même, c’est-à-dire sous le trentième degré de latitude, ils meurent fréquemment, assure-t-on, de maladies de poitrine. Or on a trouvé des débris fossiles de singes, non-seulement en Grèce, pays dont la température est élevée, mais encore en France et en Angleterre, jusque sous le cinquante-deuxième degré de latitude, ce qui prouve une grande diminution dans la chaleur de notre Europe depuis une époque qui, géologiquement parlant, n’est point très ancienne[2].

Cuvier n’avait eu qu’à jeter les yeux sur l’extrémité d’un doigt fossile trouvé dans une sablière d’Allemagne pour en conclure l’existence d’un animal inconnu de taille gigantesque. L’illustre anatomiste avait classé cet animal dans la famille des pangolins. Plus tard, on trouva en France des ossemens du même genre, et M. Lartet exprima l’opinion que ce quadrupède inconnu devait se rapprocher du paresseux : il le nomma macrothérium. L’opinion de ce savant naturaliste a été généralement adoptée. Personne n’ignore ce qu’est le paresseux : on a pu le voir au Jardin des Plantes, dans le pavillon de la girafe. Il est juché sur un arbre où il exécute bien peu de mouvemens. Il est, dit-on, si paresseux que, dans l’état de nature, il ne quitte point l’arbre sur lequel il est monté avant d’en avoir dévoré toutes les feuilles, et, pour s’épargner la peine d’en descendre, il s’en laisse tomber. D’ailleurs sa physionomie exprime bien son indolence,

  1. Il faut excepter quelques singes qui habitent encore aujourd’hui les rochers de Gibraltar.
  2. Je dois, à la vérité, faire observer que les espèces fossiles de singes sont différentes de celles qui vivent actuellement ; il se pourrait que ces espèces eussent supporté des climats plus froids.