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et de nos jours les éléphans seuls peuvent donner une idée de la conformation de ces animaux disparus. L’une des girafes trouvées à Pikermi était plus petite que les girafes aujourd’hui vivantes, l’autre plus grande. La découverte de ces derniers débris est très intéressante, car jusqu’à présent les girafes fossiles sont extrêmement rares. Les débris d’antilopes étaient au contraire innombrables à Pikermi : dans les temps anciens comme à notre époque, ces animaux ont dû composer des troupes immenses ; Buffon rapporte qu’on a vu défiler en Afrique des bandes de cinquante mille antilopes, L’isard[1] aime à se suspendre aux roches escarpées des Pyrénées, et le chamois gambade légèrement au-dessus des précipices des Alpes ; cependant on peut dire que les antilopes paraissent avoir été surtout destinées à peupler les grandes plaines. La civilisation les en a chassées, mais dans les temps géologiques, c’est-à-dire dans les temps qui ont précédé la venue de l’homme, elles y paissaient tranquillement, et sans doute elles n’étaient pas un des moindres ornemens des prairies du vieux monde : on sait quelle est la grâce de ces animaux ; la gazelle est une antilope, et la douceur de son regard est telle que les Orientaux en ont fait un des symboles de l’amour.

Parmi nos débris d’antilopes se trouvent des cornes plates attribuées à une chèvre que MM. Wagner et Roth, les savans naturalistes de Munich, ont nommée chèvre Amalthée. Nous regretterions d’enlever à cet animal l’honneur d’avoir compté parmi ses aïeux la nourrice de Jupiter ; pourtant l’examen attentif des débris de cette espèce fossile nous porterait à les attribuer plutôt au genre des antilopes qu’à celui des chèvres.

Nous avons recueilli plus de mille fragmens d’hipparions. Ce quadrupède ne vit plus de nos jours ; il se rapprochait beaucoup de nos chevaux et de nos ânes. On sait que les ânes sauvages vivent encore aujourd’hui en troupes immenses dans les plaines chaudes et sablonneuses de la Tartarie. L’âne n’est point fait pour nos climats : c’est pourquoi nous avons tort de l’accuser d’avoir mille défauts dans nos pays. Qu’on le rende à sa terre natale, du moins qu’on le transporte sous un ciel d’une grande douceur ; que ses pieds, trop grossièrement construits pour supporter les inégalités de nos montagnes, retrouvent le sol uniforme des déserts : l’âne redevient une des plus admirables conquêtes de l’homme. Son allure est douce ; à la sobriété il joint l’ardeur, la vivacité, une patience qui ne cède à aucune fatigue. L’hipparion fut sans doute, comme l’âne, destiné à vivre dans les pays plats, et la multitude de ses débris fossiles est venue confirmer notre supposition sur l’existence de vastes plaines dans la Grèce antique.

  1. L’isard et le chamois sont des antilopes.