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signe de réconciliation fut converti en pierre, ainsi que la bête sauvage qu’il poursuivait. Une métamorphose semblable s’opéra sur le loup qui attaqua les troupeaux de Pelée. Le serpent qui voulait dévorer la tête d’Orphée fut pétrifié par Apollon. Le même sort fut réservé au serpent qui engloutit devant les Grecs assemblés les œufs qui figuraient neuf années de combats sous les murs de Troie, etc.

Sans doute la connaissance des pétrifications véritables, c’est-à-dire des corps organisés transformés en pierres, n’a pas été la source première des fables que je viens de rappeler ; cependant est-il déraisonnable de penser qu’elle a facilité ces croyances ? Ce qui rendrait notre supposition plus admissible, c’est que les Grecs avaient sous leurs yeux des exemples de pétrifications (fort grossières à la vérité) dans les incrustations que forment les eaux sur plusieurs points de l’Attique. Auprès de la grotte des Nymphes, à Kephissia, j’ai vu des mousses se revêtir entièrement de calcaire. On trouve dans les auteurs anciens plusieurs mentions de fontaines incrustantes : « Les Ciconiens, dit Ovide, ont un fleuve dont l’eau pétrifie les entrailles de celui qui la boit et change en marbre tout ce qu’elle touche. »

Les ossemens fossiles présentent des formes souvent différentes de celles qui sont connues dans la nature actuelle, et, ce qui est plus frappant pour le vulgaire, ils atteignent quelquefois des dimensions bien supérieures à celles de tous les animaux qui ont vécu en Grèce depuis l’apparition des premiers hommes. Ainsi les mastodontes, les dinothériums, les macrothériums, non-seulement sont distincts de tous les genres d’animaux connus, mais encore aucun quadrupède de la Grèce ne les égale en grandeur. La vive imagination des Grecs dut les porter à rechercher l’origine des ossemens fossiles. Peut-être rangèrent-ils quelques-uns d’entre eux parmi les débris des monstres dont Hercule et Thésée avaient délivré la Grèce. Peut-être l’assemblage d’os de quadrupèdes peu différens en apparence de ceux de l’homme et d’os d’animaux ruminans accrédita la fable des satyres et des faunes. Peut-être encore les fossiles gigantesques de la base du Pentélique passèrent pour les restes des Titans foudroyés par Jupiter. Cuvier a considéré comme des débris d’animaux fossiles ces ossemens dont parle Hérodote, qui furent découverts à Tégée et qui furent pris pour ceux d’Oreste. L’omoplate de grosseur prodigieuse qui fut trouvée dans la mer à la hauteur de l’île d’Eubée, et désignée par la pythie de Delphes comme un des os de Pélops, ne fut peut-être qu’un ossement d’un grand animal fossile. « Voici, dit Pausanias dans sa description de l’Attique, ce que j’ai vu d’étonnant dans une petite ville de la Lydie supérieure nommée les Portes de Téménus. Une colline du voisinage s’étant fendue par