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les édifices publics, entre autres le théâtre de Marcellus. La modestie qui lui fit refuser le titre d’auguste et de grand semble empreinte sur ses traits, et il en prouva la sincérité lorsque sur les ponts que Trajan avait commencés il inscrivit seul le nom de cet empereur, dont il achevait les monumens comme il continuait les vertus. Parmi ceux dont il fut l’auteur, il faut mentionner des entrepôts publics, les thermes qu’il construisit sur la rive droite du Tibre, d’autres encore qui touchaient à ceux de Néron, et pour lesquels il fit venir à Rome l’eau qui, de son nom, s’appela Alexandrine. On ne dit pas de Néron qu’il ait, comme Alexandre Sévère, acheté les maisons qui couvraient l’emplacement dont il avait besoin. Sévère avait l’intention de construire une gigantesque basilique qui aurait eu mille pieds de long, environ le double de Saint-Pierre. À mesure qu’on avance dans l’histoire de l’empire, on voit le goût du colossal dominer toujours davantage. J’ai dit que c’était un caractère de l’architecture sous le despotisme : les monumens de l’Orient, Versailles et l’arc de triomphe de l’Étoile sont là pour le prouver. La liberté vise moins au grand qu’au beau. Voyez les temples de la Grèce et les temples romains de la république : Auguste élève à Rome le premier grand temple, celui de Mars Vengeur ; Agrippine, le temple de Claude ; Adrien, le temple de Vénus et de Rome ; les Flaviens, leur immense amphithéâtre ; Caracalla, ses thermes énormes. Il en est à cet égard de la sculpture comme de l’architecture. L’Égypte, Ninive, l’Inde ont leurs colosses. À Rome, la première statue colossale est celle d’Apollon sous Auguste, la seconde celle de Néron. Alexandre Sévère, despote honnête, mais despote aussi bien que Néron, de même qu’il entreprenait de construire une basilique immense, remplissait Rome de statues colossales.

Il faut rapporter à ce règne deux trophées qui ornaient un château d’eau appelé le Nymphée d’Alexandre Sévère, et qui maintenant décorent la place du Capitole. Ils sont connus sous le nom de trophées de Marins ; mais leur provenance est certaine, le style de la sculpture est évidemment du IIIe siècle, et ils n’ont rien de commun que leur sobriquet populaire, soit avec les trophées de Marius, que César releva sur le Capitole, soit avec un autre monument de Marius qui se trouvait là où est aujourd’hui la place d’Espagne.

Il est un monument qui ne date point d’Alexandre Sévère, mais le rappelle doublement : c’est le forum de Nerva. Alexandre Sévère, qui accueillait tous les cultes, avait celui des grands hommes, touchant chez un jeune prince. Il fit rassembler dans le forum de Nerva et dans celui de Trajan les portraits des personnages célèbres. Peut-être devons-nous à ce soin la conservation de plusieurs de ceux