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furent au XIIIe siècle, le journalisme catholique l’est de nos jours : un pouvoir indépendant de l’évêque, tenant ses pouvoirs du pape, exerçant sur le terrain de l’évêque sans sa participation. L’épiscopat a fini, à force de luttes, par vaincre les ordres religieux ; vaincra-t-il le journalisme ? Il est certain du moins que jusqu’ici la victoire est restée à ce dernier : nous avons vu un archevêque humilié devant un journaliste, son diocésain ; nous avons vu poser en principe que l’ordinaire ne peut rien sur le journal qui s’imprime dans son diocèse. Il est évident que le gouvernement de l’église est dominé de plus en plus par des influences extra-épiscopales, et que l’avenir appartient à tout ce qui, de près ou de loin, exercera une action centrale dans la catholicité.

Mais qu’on réfléchisse à une autre conséquence qui sort invinciblement de ces prémisses. L’administration centrale de la catholicité établie à Rome et destinée à attirer tout à elle ne peut point être la papauté italienne des derniers siècles, fondée sur les traditions et les habitudes de l’esprit romain. Tandis que la papauté a eu dans l’église un pouvoir restreint, elle a pu déférer ce pouvoir à l’Italie ; mais, du jour où la catholicité sera réellement gouvernée par Rome, elle voudra que Rome soit une vraie image de la catholicité. Déjà les clergés locaux sont représentés à Rome par un certain nombre d’hommes importans, qui bientôt deviendront des puissances et rejetteront dans l’ombre les rouages purement romains. Il se passera là quelque chose de ce qui arriva dans la Rome profane le jour où elle fut maîtresse du monde : le monde l’absorba à son tour ; Rome ne fut plus dans Rome ; les provinces l’envahirent, en firent leur chose et se gouvernèrent par elle. Ainsi la papauté prendra le gouvernement entier de la catholicité, mais la catholicité voudra alors que la papauté soit catholique et non plus italienne. Le fait qui s’est si souvent et si logiquement produit au moyen-âge, lorsque la papauté était cosmopolite, tend à se produire de nouveau, et, de même que la papauté universelle du moyen âge eut des papes de toutes les nations, de même que la Rome impériale eut, au bout de quelque temps, des empereurs faits par les provinces, Rome aura des papes étrangers à l’Italie, français surtout, puisque la France a été le point de départ et sera longtemps le foyer du parti catholique. Le jour où Pie IX a reconnu qu’en suivant une politique italienne, il perdait la papauté, il a posé la question dans ses véritables termes. La papauté ne peut plus être qu’universelle : le personnel italien de l’administration romaine ira baissant de plus en plus ; il cessera de se recruter, et ses vides seront remplis par des étrangers. Mais l’Italie, ne profitant plus de la papauté et n’y présidant plus, n’en voudra plus et ne supportera pas qu’une fraction