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vous voyons et que nous sommes près de vous, il se passe en nos âmes quelque chose qui n’a de nom qu’au ciel. Loué soit Dieu, qui nous a montré ces biens avant de mourir !

« Et les jeunes vierges répondront : Les fleurs se fanent, elles passent ; vient un jour où ni la rosée ne les rafraîchit, ni la lumière ne les colore plus. Il n’y a sur la terre que la vertu qui jamais ne se fane ni ne passe. Nos pères sont comme l’épi qui se remplit de grain vers l’automne, et nos mères comme la vigne qui se charge de fruits. Il nous est doux de voir nos pères, il nous est doux d’être auprès de nos mères, et les fils de nos pères et de nos mères nous sont doux aussi. Loué soit Dieu qui nous a montré ces biens avant de mourir ! »

Et ailleurs :

« A l’heure où l’orient commence à se voiler, où tous les bruits s’éteignent, il suivait lentement, le long des blés jaunissans déjà, le sentier solitaire.

« L’abeille avait regagné sa ruche, l’oiseau son gîte nocturne ; les feuilles immobiles dormaient sur leur tige ; un silence triste et doux enveloppait la terre assoupie.

« Une seule voix, la voix lointaine de la cloche du hameau, ondulait dans l’air calme.

« Elle disait : Souvenez-vous des morts.

« Et, comme fasciné par ses rêves, il lui semblait que la voix des morts, faible et vague, se mêlait à cette voix aérienne.

« Revenez-vous visiter les lieux où s’accomplit votre rapide voyage, y chercher les souvenirs de douleurs et de joies qui ont passé si vite ?

« Comme la fumée qui sort de nos toits de chaume et se dissipe soudain, ainsi vous vous êtes évanouis.

« Vos tombes verdissent là-bas, sous le vieux if du cimetière. Quand les souffles humides du couchant murmurent entre les hautes herbes, on dirait des esprits qui gémissent. Époux de la mort, est-ce vous qui tressaillez sur votre couche mystique ?

« Maintenant vous êtes en paix, plus de soucis, plus de larmes ; maintenant, luisent pour vous des astres plus beaux, un soleil plus radieux inonde de ses splendeurs des campagnes, des mers éthérées et des horizons infinis.

« Oh ! parlez-moi des mystères de ce monde que mes désirs pressentent, au sein duquel mon âme, fatiguée des ombres de la terre, aspire à se plonger. Parlez-moi de celui qui l’a fait et le remplit de lui-même, et seul peut remplir le vide immense qu’il a creusé en moi.

« Frères, après une attente consolée par la foi, votre heure est venue. La mienne aussi viendra, et d’autres à leur tour, la journée de labeur finie, regagnant leur pauvre cabane, prêteront l’oreille à la voix qui dit : Souvenez-vous des morts. »