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gagné, sur les côtés faibles de la cause par lui plaidée, comme le médecin en renom qui aime à faire valoir la gravité du mal qu’il va combattre ou qu’il a combattu, Burnet tire parti, pour sa vanité satisfaite, de tout ce qui fait ressortir la noirceur de l’âme qu’il a reconquise et purifiée. Il est ainsi amené, sans trop s’en douter, à exprimer une certaine admiration pour les ressources que Rochester avait mises d’abord au service de ses entraînemens vicieux. Il ne néglige rien pour les mettre en relief ; il vante jusqu’à cet incroyable talent mimique, jusqu’à cette soif d’émotions variées qui font de son catéchumène un converti tout à fait hors ligne. L’amour-propre du ministre de Dieu trouve son compte à ce que l’âme qu’il a ramenée au bercail ne soit pas une âme vulgaire, et au besoin, pour la singulariser, pour la tirer de la foule, il saura bien insister sur l’énormité des fautes commises, sur l’éclat des facultés détournées de leur vrai but, sur l’énergie spéciale des mauvais penchans qui ont finalement trouvé leur maître.

C’est ainsi que Burnet, dans un tout autre ordre d’idées, vient compléter Hamilton et Pepys. Nous pouvons donc, rassurés par le parfait accord des récits contemporains, (regarder comme tout à fait avérée la plus singulière métamorphose de Rochester. Las de « s’encanailler » avec les banquiers de la Cité, il disparut tout à coup, et on perdit ses traces. Bientôt il ne fut plus question dans Londres que d’un charlatan étranger qui débitait ses drogues en pleins carrefours, et attirait la foule autour de ses tableaux mobiles. Jamais marchand d’orviétan n’avait déployé tant d’éloquence ni tant amusé son auditoire. Alexander Bendo, tel était le nom de guerre adopté par ce médecin de nouvelle espèce, qui devint en quelques semaines une véritable célébrité. On recueillit ses discours, on les imprima, on les vendit. Il en est qui nous sont parvenus, et l’un d’eux est imprimé, avec d’autres documens authentiques, en tête des œuvres de Rochester. C’était lui en effet qui se permettait cette mystification nouvelle.

Dans cette harangue au public, véritable débauche d’esprit, il commence par décrier tous ses confrères, les médecins à diplôme, leurs graves dehors, leurs mensonges érudits. C’est l’exorde obligé, — même à notre époque, — de tout empirique au début. Comment mériter la confiance, si l’on ne commence par discréditer ceux qui l’ont obtenue avant nous ?… Comment s’affirmer si l’on ne nie les autres ?… Vient ensuite la nomenclature des maladies que le « docteur allemand » se déclare en état de guérir radicalement. Ce sont surtout, — nous allons retrouver notre Rochester, — celles pour lesquelles la discrétion du médecin est un de ses attributs les plus désirables. — « J’ai vu, s’écrie le vertueux Bendo, que nous pouvons croire en ceci, — j’ai vu dès notes de médecin aussi scandaleuses