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n’y a point de partis ni de factions hostiles aux institutions de l’état, l’intérêt permanent du pays exige que le pouvoir ne cesse jamais d’être mis comme au concours entre des rivaux qui, pour le garder ou l’obtenir, ont besoin de se montrer dignes de l’exercer. C’est là un de ces biens qui pour beaucoup ne sont rien quand ils les ont, et qui sont tout quand ils les perdent. Le mérite de l’acte de réforme, c’est de n’en avoir pas fait bon marché. Sans doute de nouveaux changemens, peut-être prochains, remanieront entre les collèges électoraux la représentation du pays ; mais ils ne seront destinés qu’à mettre de nouvelles garanties, encore meilleures, à la place des anciennes, et sous telle ou telle forme le système restera le même.

Après avoir reconnu comment a été réparti le droit de représentation entre les différens collèges électoraux, il faut rechercher maintenant quels sont les électeurs auxquels le pouvoir électoral a été attribué. Fermés à la plus grande partie des classes qui avaient gagné tous les titres pour l’exercer, ouverts, au moins dans les bourgs, à celles qui semblaient au contraire les avoir perdus, les cadres des électeurs demandaient à être reformés. Ils ne représentaient plus qu’un corps politique isolé de la nation, et qui avait besoin d’être retrempé dans un de ces courans de vie qui préviennent ou réparent la décadence des pouvoirs. Telle fut l’œuvre entreprise et menée à bonne fin par l’acte de réforme. Seulement, en consacrant les innovations nécessaires, il importait de ne pas rompre avec les traditions ; il fallait réparer et créer sans détruire. Aussi la nouvelle législation ne manqua pas de respecter les principes de l’ancienne, et se borna à en faire une meilleure application. Elle n’eut pas en vue un système destiné à donner à tous les habitans les mêmes droits politiques, et à confondre indistinctement les uns avec les autres. Par goût pour des principes abstraits, elle ne fit nulle part violence à l’état de la société. Elle tint compte des conditions différentes qui devaient être demandées à des classes distinctes les unes des autres soit par leurs moyens d’existence, soit par leurs intérêts. En outre, à côté des droits nouveaux qu’elle établit, elle fit soigneusement la part des droits acquis. Enfin elle traita séparément avec chacun des trois royaumes, où les mêmes usages n’avaient pas toujours prévalu, où les mêmes besoins pouvaient bien ne pas se faire sentir. De là la variété compliquée de toutes les dispositions qui y ont trouvé place. Si cette variété contraste avec les habitudes d’unité qui nous sont si familières, elle est au contraire conforme aux traditions d’un pays où les constitutions refaites à neuf sur du papier blanc renouvelé au bout d’un certain nombre d’années sont heureusement inconnues. Aussi serait-ce bien à tort qu’on s’attendrait à pouvoir découvrir par un article de loi quels sont les électeurs de la Grande-Bretagne : pour