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Peel, vaincu par la voix publique, allait appeler sur les sièges de la magistrature George Cranstoun, James Moncreif, Abercrombie, et Canning n’accepterait de former un ministère qu’en y faisant entrer plusieurs de ses anciens adversaires. Deux ans encore, et Jeffrey et Cockburn devaient être chargés, l’un comme lord-avocat, l’autre comme solicitor-general, de rédiger et de défendre devant le parlement le bill de reforme, destiné à changer de fond en comble le système électoral de l’Ecosse et à consacrer le triomphe de leurs idées. À cette heure d’une victoire bien gagnée, ces hommes, grands par le talent, mais plus grands encore par l’honnêteté et la droiture de leur caractère, pouvaient être fiers de la carrière qu’ils avaient parcourue et de l’œuvre qu’ils avaient accomplie. Ils avaient trouvé l’Ecosse vouée à l’ignorance, à la torpeur, et soumise au despotisme le plus corrompu : en trente ans, par la force de leur parole et de leurs exemples, ils l’avaient faite libre, éclairée, pleine d’énergie et de vitalité. À leur pays ils avaient donné l’indépendance morale, et eux-mêmes, pour avoir accepté la pauvreté, pour avoir préféré le devoir à la fortune, Ils avaient récolté le pouvoir, la richesse et la gloire. C’est qu’ils avaient servi la liberté comme elle veut être servie : par la fermeté des convictions, l’honnêteté de la vie privée, la sagesse de la conduite, la promptitude à faire le bien, par la contagion du talent et de la vérité. Ne contînt-il que cet enseignement, le livre de lord Cockburn mériterait d’avoir des lecteurs.


CUCHEVAL-CLARIGNY.