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Descendait, le grand pin, près du chevet d’Aimée,
Dessinait son profil sur les pâles rideaux.

Elle rêvait peut-être alors à ses bruyères,
Aux châtaigniers touffus semés dans les clairières,
À ses jasmins chéris qu’elle voyait fleurir…
Éveillée en sursaut au bruit de la tempête ;
 — Prenez-moi, disait-elle, ô Dieu, me voilà prête !
Je suis lasse, bien lasse, et je voudrais mourir !


VIII – LE RETOUR


L’an d’après, comme une étrangère,
Elle vint, par un soir de mai,
Revoir sa maison solitaire
Et son doux pays bien-aimé.
La nuit tombait, tiède et sereine,
Comme au bon temps de son bonheur,
Et la haie était toute pleine
De bouquets d’aubépine en fleur.

Le vent dans le taillis sonore
Soupirait, et dans le lointain
Parfois on entendait encore
Chanter le tic-tac du moulin.
Sur les marches de pierre grise,
La servante, ainsi qu’autrefois,
Près du logis était assise,
Tournant son fuseau dans ses doigts.

Tout était à la même place :
Les verveines dans le jardin ;
À l’angle de la salle basse,
Le vieux et poudreux clavecin…
Dans la demeure abandonnée,
Pleine encor de son souvenir,
Seul, le bonheur de l’autre année
Ne devait jamais revenir.

Plus jamais !… A cette pensée,
Ses yeux se noyèrent de pleurs.
Elle s’arrêta. — La rosée
Brillait dans les lilas en fleurs ;
Les roses s’ouvraient, les phalènes
Sortaient des massifs d’alentour ;
Le rossignol, dans les grands frênes,
Disait sa peine et son amour.