Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 10.djvu/942

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

afin qu’il éternise les exagérations de notre tarif, si onéreuses au consommateur, si contraires à la vie à bon marché, qui pourtant est, dans l’ordre matériel, un des premiers besoins de l’époque, et qui devient de plus en plus une nécessité politique. La pétition des fabricans de soieries de Manchester n’est pas la moins intéressante des pièces insérées dans les deux derniers volumes de l’Histoire des Prix. Je la recommande au lecteur ; elle est consignée page 417 du cinquième volume.

Au sujet de l’industrie anglaise des soieries, il est bon de signaler encore un fait. Au milieu de ses développemens si beaux, les soieries étrangères ont continué d’entrer dans le pays ; elles s’y sont écoulées même en quantité croissante. En 1842, l’Angleterre recevait 123,600 kilogr. de soieries d’Europe ; en 1856, c’étaient 332,500 k. d’une valeur de 1,731,000 liv. st. (43,638,500 fr.). Cette importation des soieries étrangères provoque et solde l’exportation des produits nationaux pour un montant égal, d’après cette loi naturelle, attestée par l’observation, que les produits se paient avec des produits. On a ainsi un exemple de l’influence, si opposée aux prédictions prohibitionistes, qu’exerce l’admission des marchandises étrangères sous un tarif intelligent. Au lieu de barrer la production nationale, elle l’excite et en provoque le développement, parce qu’elle l’oblige à se perfectionner, et par cela même à réduire de plus en plus les prix. Comment, sous cette double action d’une fabrication meilleure et du bon marché, la consommation ne s’étendrait-elle pas ? De cette manière, pour les industries viables, les seules qui soient dignes d’intérêt et dont il faille désirer la conservation, il arrive qu’en laissant l’étranger participer à la fourniture du pays, non-seulement on ne nuit pas au placement des produits indigènes, mais on en agrandit la production, ainsi que le débouché, tant au dedans qu’au dehors. C’est ce qui se voit si bien dans le Zollverein pour les filés de coton. Les filés anglais y sont admis sous un droit très modéré, et il s’en importe des masses. La filature allemande en est-elle arrêtée dans ses développemens ? Pas du tout : elle s’accroît bien plus vite que celle de la France, qui a la prétendue protection de la prohibition absolue jusqu’au n° 143, et de droits prohibitifs pour les numéros supérieurs. Ce qui se passe pour la filature américaine est analogue à ce qu’on observe dans le Zollverein.

Je me suis étendu sur cette industrie des soieries dans ses rapports avec le libéralisme du tarif, parce que c’est un exemple qui donne la clé de la réforme anglaise et l’explication du succès qui l’a signalée. Mais reprenons l’histoire au point où nous l’avions laissée. Huskisson avait, en 1824, réduit les droits de douane, principalement sur diverses matières premières, d’une quantité qui représentait une recette de 1,418,000 liv. (35,740,000 fr.). En 1825, des