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fabriqués. L’abaissement ou la suppression des droits représentait un sacrifice énorme pour le trésor. En 1842, c’était 1,627,000 liv. st. (41 millions de francs), en 1843 171,000 liv. st. (4,310,000 fr.), en 1844 287,000 liv. (7,235,000 fr.), en 1845 3,614,000 liv. (91,100,000 fr.). Dans cette dernière année, on fit disparaître ce qui subsistait encore des droits sur le colon brut ; ce reliquat donnait un revenu de 683,000 liv. (17,218,000 fr.). En outre, on renonça aux droits d’accise sur le verre et sur les ventes à l’encan, qui rendaient 1,135,000 liv. (28,613,000 fr.). En 1846, on abandonna encore une recette de 1,160,000 liv. st. (29,244,000 fr.). Le total des retranchemens que subissait ainsi en six ans le revenu public était de 202 millions de francs.

L’administration de lord John Russell, qui succéda à celle de sir Robert Peel, suivit les mêmes erremens ; ce fut elle qui résolut la question des sucres dans le sens de l’égalité pour toutes les provenances et tous les pavillons. Sous ce régime nouveau, la consommation du sucre a doublé en Angleterre : de 7 kilogr. par tête, elle est montée à 14. Ce ne fut pas le seul coup que le cabinet de lord John Russell porta au monopole des colonies, qui comptait des défenseurs si chauds et si puissans. Le même système d’égalité fut adopté pour un autre article de grande consommation, le café, et pour plusieurs articles accessoires. C’est à cette même administration que revient le mérite d’avoir renversé, non sans rencontrer une opposition formidable, l’échafaudage des lois sur la navigation, qui jusque-là, dans le préjugé public, passaient pour le boulevard de la puissance britannique.

Le parti protectioniste était vaincu, mais il n’était pas soumis. Le ministère whig de lord John Russell dut se retirer le 23 avril 1852 pour des motifs étrangers à notre sujet, et les tories furent appelés au pouvoir. Leurs chefs, qui représentaient aussi les doctrines protectionistes, essayèrent d’une dissolution du parlement ; mais les électeurs renvoyèrent une majorité prononcée pour la liberté du commerce. Cependant le ministère de lord Derby et de M. Disraeli ne se tint pas pour battu, et prit le parti d’aborder la discussion parlementaire. Il avait présenté un plan de finances artistement conçu, en ce que, pour diviser les voix des partisans de la liberté du commerce, il offrait des avantages aux comtés, c’est-à-dire aux campagnes, par rapport aux villes ; c’était, disait-il, afin d’indemniser la propriété territoriale des sacrifices que lui imposait l’abolition des droits sur les subsistances. La réaction, on le voit, était détournée et modérée. Cependant, sur le sujet même de la politique commerciale, on ne le laissa pas longtemps dans l’incertitude. Quinze jours après la réunion du nouveau parlement, le 26 novembre, 336 voix contre 256 votèrent, sur la proposition de M. Ch. Villiers, que la