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des ministres. Pendant ce temps, les élections de la Moldavie, qui étaient fixées d’abord au 12 juillet, puis au 18, se sont accomplies, et il ne restait plus dès-lors aux représentans des quatre puissances qu’à protester contre une opération à laquelle ils avaient d’avance refusé toute valeur.

Voilà justement où la question s’aggravait et devenait sans issue, en mettant toutes les influences, toutes les politiques face à face. Un moment, le sultan a cru sans doute désarmer la France en laissant tomber Rechid-Pacha sous le poids de sa propre faiblesse, et en appelant au pouvoir d’autres hommes politiques, notamment Aali-Pacha, l’ancien représentant de la Turquie au congrès de Paris. C’était simplement une erreur qui tendait à dénaturer la situation, en offrant comme satisfaction personnelle la disgrâce d’un grand-vizir lorsqu’on réclamait l’exécution d’engagemens internationaux. Ce que demandaient les représentans des quatre puissances, c’était l’annulation pure et simple des élections de la Moldavie, et comme le cabinet de Constantinople refusait d’accéder à cette mesure, qui était le dernier refuge de la dignité européenne offensée, la rupture devait s’ensuivre. La rupture a été la conséquence naturelle, inévitable de tous ces faits, de toutes ces circonstances qui se pressent et s’accumulent depuis plusieurs mois. Les journaux anglais, emportés par une première impression, se sont plu à chercher quelque analogie entre la conduite de l’ambassadeur de France et celle du prince Menchikof. Ils ne voyaient pas que la force de M. Thouvenel et des autres agens européens venait au contraire de leur modération, surtout de l’habile position qu’ils avaient su prendre sur le terrain inattaquable du droit diplomatique et de la vérité. Les représentans des quatre puissances ne cherchaient nullement à intervenir dans le gouvernement intérieur de la Turquie. Ils n’ont jamais réclamé, comme on l’a dit, la révocation de M. Vogoridès ; ils ne tentaient aucune démarche pour précipiter la chute de Rechid-Pacha, dont ils avaient pu cependant apprécier la versatilité déplorable et la vanité impuissante. Ils demandaient à la Porte de respecter le traité de Paris, de maintenir l’autorité du firman électoral et de l’accord du 30 mai, de faire exécuter ses propres ordres et les instructions données par elle. La nullité virtuelle des élections de la Moldavie était dans la violation de tous ces actes et de tous ces engagemens, et si une dernière justification était nécessaire, elle se trouve dans le fait même qui a provoqué la rupture, dans toutes les circonstances des élections qui viennent d’avoir lieu. On a vu ce qui est arrivé. Le jour où le scrutin s’est ouvert, tout ce système de fraude et de falsification s’est montré à nu. Ce qu’il y a de mieux, c’est que, même avant les élections, les gouvernemens européens connaissaient les résultats en ce qui touche certaines localités, par cette raison bien simple que les procès-verbaux du scrutin étaient faits d’avance à Jassy et envoyés au dernier moment dans les communes. Il n’y a qu’une chose que M. Vogoridès n’avait pas prévue complètement, c’est l’abstention, qui a été considérable, et qui est venue rendre plus sensible tout ce travail de violences, si bien que le caïmacan moldave, au milieu de son succès électoral, s’est trouvé lui-même assez consterné. M. Vogoridès a exercé sa mauvaise humeur un peu contre tout le monde, faisant occuper la ville militairement, quoiqu’il n’y eût aucun signe d’agitation, accusant les unionistes d’empêcher les électeurs d’aller voter. Il a des-