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point aux joies du créateur ; il assiste par la pensée à la naissance des choses : savoir, c’est préexister. Lui aussi peut s’écrier : « Avant que le monde ne fût, j’étais. »

Il y a quelques années, l’ensemble des couches brisées, tordues, contournées, qui s’élancent en montagnes, ou qui retombent en abîmes dans le nord du pays de Galles, ne présentait encore qu’un chaos scientifique. Les plus habiles géologues les considéraient comme un labyrinthe de ruines dont le fil d’induction était perdu. Enfin un homme vint qui porta l’ordre au milieu de cette sublime confusion des élémens ; sir Roderick Murchison établit que cette masse de roches sédimentaires, déchirées çà et là par des couches d’origine ignée, formait un système unique, auquel il donna le nom de silurien, parce que les roches qui en déterminent le type se développent surtout dans la région occupée du temps des Romains par les Silures[1]. Ces roches historiques peuvent d’abord se diviser en deux groupes : les unes ne contiennent aucune trace de vie ; les autres renferment les plus anciens vestiges d’êtres organisés que l’œil humain ait pu découvrir.

Sur la lisière du pays de Galles, non loin de Shrewsbury, dans le Shropshire, s’étend une région stérile et insignifiante, si ce n’est pour l’œil qui cherche les origines de la Grande-Bretagne. Là s’élève une montagne, le Longmynd, ou plutôt une agglomération de monticules qui atteignent à peine la hauteur de seize cents pieds au-dessus du niveau actuel de la mer. De profondes crevasses, des ravins aux pentes raides et recouvertes d’herbe, des précipices presque angulaires occupés par quelques faibles cours d’eau, entaillent cette masse d’un aspect antique. C’est ici qu’a commencé l’Angleterre. Le Longmynd constitue avec d’autres groupes montagneux situés dans le pays de Galles, notamment au nord de la baie de Cardigan, la base de toute la région silurienne. Ces sombres roches sont les premières qui se soient soulevées du sein de l’Océan sans limite connue, sous lequel gisait à une époque incroyablement reculée ce qu’on appelle aujourd’hui la vieille Albion. Contre ces roches, situées maintenant à l’intérieur du pays, ont écumé les premières vagues qui aient rencontré une résistance. Vous avez là sous les yeux le plus ancien boulevard qui ait défié la mer, la citadelle de rochers qui préludait à la construction de cette grande île, dont la puissance s’étend maintenant jusqu’aux extrémités du monde. Tout Anglais enthousiaste des antiquités de sa nation doit saluer dans ce vieux morceau de l’Angleterre le berceau de sa terré natale. Les recherches des géologues ont dû s’attacher à ces antiquités pour y découvrir

  1. Siluria, the history of the oldest rocks, London 1884.