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Mézeray a mis dans la bouche du maréchal de Biron parlant à Henri IV, et dont voici quelques passages des plus transparens : « Quoi! sire, dit Biron, on vous conseille de monter sur mer, comme s’il n’y avait pas d’autre moyen de conserver votre royaume que de le quitter ! Si vous n’étiez pas en France, il faudrait percer au travers de tous les hasards et de tous les obstacles pour y venir, et maintenant que vous y êtes, on voudrait que vous en sortissiez!... Enfin, sire, nous sommes en France, il faut nous y enterrer. Il s’agit d’un royaume, il faut l’emporter ou y perdre la vie. Je ne puis croire que vous deviez plutôt fier votre personne à l’inconstance des flots et à la merci de l’étranger qu’à tant de braves gentilshommes et tant de vieux soldats qui sont prêts à lui servir de remparts et de boucliers, et je suis trop serviteur de votre majesté pour lui dissimuler que si elle cherchait sa sûreté ailleurs que dans leur vertu, ils seraient obligés de chercher la leur dans un autre parti que le sien. » Que prouve en faveur de la thèse générale ce morceau de rhétorique que Biron n’a jamais prononcé? Il ne prouve rien, mais il prépare la suite. C’est une transition. — Si la royauté française, ajoute l’auteur, avait toujours entendu ce langage, nous n’aurions pas à pleurer sur son exil. Elle a manqué trois fois aux espérances de la France. De nobles cœurs pourtant lui sont restés fidèles. Ont-ils tort? Non, car ils ne voient pas seulement un prince, ils voient un principe. Ce principe peut passer à une autre famille de princes, si leur vœu actuel ne se réalise pas. Ils défendent la logique de l’hérédité. Ce n’est pas la cause d’une seule monarchie, c’est la cause de toutes les monarchies qu’ils servent. La nouvelle dynastie qui s’élève recueillera l’héritage de cette logique et de cette cause; elle a pour elle les sympathies de la nation, la gloire, les services; mais elle a besoin aussi de ce respect du droit héréditaire qui est le principe légitimiste, car elle pourrait à son tour être exposée au danger des usurpations. Ainsi le besoin est réciproque, et le long dévouement des légitimistes n’aura pas été inutile, puisqu’il pourra toujours s’utiliser ailleurs. — Tel est, tiré au clair, le sens de ce chapitre.

Petit à petit nous avançons, comme on voit; mais il y a toujours bien des détours, et il nous faut souvent prendre la traverse. Si M. Le comte de Chambord venait à mourir sans postérité, en supposant la branche d’Espagne exclue par le traité d’Utrecht, la royauté traditionnelle serait donc représentée « par ceux que la révolution avait choisis en haine de cette royauté, » c’est-à-dire par la branche d’Orléans? Comment on choisit des rois en haine de la royauté, c’est ce que nous ne comprenons guère; mais passons. Eh bien! même en ce cas, la révolution serait bien attrapée, selon lui, et la maison d’Orléans verrait l’objet de son ambition lui échapper à jamais par l’événement même sur lequel elle semble le plus compter pour l’atteindre. En effet, aux yeux de la plupart des légitimistes, le vieux droit héréditaire, ainsi compromis dans sa personnification, ne réaliserait plus que d’une manière très imparfaite la garantie d’ordre pour laquelle ils ont combattu ; mais ils ne se décourageraient pas pour cela : leurs principes ne disparaissent pas parce qu’une dynastie meurt ou qu’une société s’écroule ; ils ont leur application universelle qu’ils conserveront jusqu’à la fin des temps. « Pourquoi, de son côté, l’empire verrait-il en nous des ennemis à combattre ? S’il est appelé à vivre, à devenir une institution durable et féconde, ce