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une égale intensité de couleur, la quantité de matière colorante contenue dans l’unité de volume d’un liquide transparent est en raison inverse de l’épaisseur de la couche observée. L’opération se terminera donc en mesurant, sur une tige graduée, l’épaisseur de la couche de chacun des liquides : si la solution traitée par le noir doit avoir une épaisseur double pour offrir la même nuance, c’est qu’elle a perdu la moitié de sa matière colorante ; si l’épaisseur doit être triplée, c’est qu’elle aura perdu les deux tiers de la substance colorante primitive. M. Arago a démontré qu’en effet l’expérience est facile dans les conditions où il s’agit d’amener à l’égalité de nuance deux liquides en augmentant l’épaisseur de la couche de celui qui est décoloré partiellement, tandis qu’il serait impossible d’apprécier directement la différence entre deux liquides offrant des nuances d’inégales intensités. Quant à l’utilité de cette appréciation exacte du pouvoir décolorant du noir animal, elle est considérable et facile à comprendre : le moyen exact d’essai fondé sur les principes que nous venons d’exposer sert de guide aux fabricans de charbon d’os jaloux d’assurer à leurs produits une préférence méritée, et par cela même durable. D’un autre côté, entre les mains des producteurs de sucre indigène ou colonial et des raffineurs, il réalise une garantie doublement féconde, car le succès est dès-lors assuré dans l’extraction et le raffinage du sucre, principe immédiat dont les fabricans ont tant à redouter les altérations accidentelles. D’ailleurs l’action décolorante et le pouvoir énergique d’épuration se retrouvent presque au même degré dans le charbon, auquel sont restituées, par une opération spéciale appelée révivification, ses qualités primitives. Enfin, et c’est encore là une heureuse conséquence de ce mode d’essai, l’un des plus habiles constructeurs du décolorimètre, M. Colardeau, l’a proposé et fait employer, sous le nom de colorimètre, pour apprécier le pouvoir colorant de diverses matières tinctoriales.

Le troisième fait sur lequel nous croyons devoir appeler l’attention était exposé de la manière suivante, en 1822, dans le mémoire déjà cité : « Le charbon d’os, après avoir servi à la clarification des sirops, laisse un résidu applicable à la fertilisation des terres. »

Ici la vérité ne fut pas trop longtemps méconnue, et l’engrais puissant généralement désigné sous le nom de noir résidu des raffineries ne fut plus que partiellement jeté aux décharges publiques. Peu à peu l’on apprit par de magnifiques résultats pratiques que, conformément à la véritable théorie des engrais[1], ce résidu,

  1. Ainsi qu’on peut le voir dans les récens traités d’agriculture et de chimie industrielle et dans un remarquable mémoire sur le phosphore, que vient de publier M. Élie de Beaumont, secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences.