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Plus d’un cultivateur, confiant dans sa longue expérience, préjugeant aussi de la valeur des engrais d’après l’odeur forte et nauséabonde qu’ils exhalent, a dû s’y tromper. Cependant les abondantes et infectes fumures d’autrefois et d’aujourd’hui n’ont pas en réalité une énergie supérieure à celle des engrais pulvérulens, dont l’odeur est insensible ou très légère[1]. Ceux-ci peuvent renfermer, comme les fumiers mêmes, les principes de l’alimentation des plantes, qui se trouvent en proportions insuffisantes dans la plupart des terres et ne sont en excès dans aucune d’elles : ce sont principalement le phosphate de chaux formant la plus grande partie du poids de la matière inorganique des os, du noir animal, etc., et les substances organiques azotées. Seulement ces dernières, en voie de putréfaction active, donnent aux fumiers des étables leur odeur infecte, tandis que dans les engrais pulvérulens les substances azotées, moins humides ou douées d’une plus forte cohésion, fermentent bien plus lentement, et peuvent céder leurs émanations aux plantes sans laisser exhaler en pure perte dans l’atmosphère cet excès qui affecte désagréablement nos sens.


II.


La découverte des propriétés décolorantes et des applications du noir animal nous conduirait directement à l’examen des procédés d’extraction du sucre indigène, si nous ne jugions devoir traiter d’abord des moyens employés pour déterminer la vertu saccharifère de la betterave et diriger la culture de cette plante dans les voies les plus productives. Avant de nous placer dans la manufacture, arrêtons-nous donc un peu sur le champ même où se cultive la plante, et recherchons quelles précieuses révélations l’étude de sa structure et de ses propriétés a fournies à l’industrie.

Les anciennes sucreries de betteraves, on l’a déjà vu, n’obtenaient en sucre cristallisé que des quantités inférieures à celles demeurées liquides ou sous la forme d’un sirop brun visqueux demi-fluide appelé mélasse. À mesure que les procédés et les appareils s’étaient perfectionnés, surtout à dater de l’emploi du charbon d’os, particulièrement alors que l’invention de M. Dumont en 1825 donna naissance à une application plus grande du noir animal en le mettant sous la forme grenue qui facilite la filtration des sirops au travers de couches de 1, 2 et jusqu’à 3 mètres d’épaisseur, les proportions avaient changé : on parvenait à recueillir plus de sucre solide ou

  1. Tels sont encore les os en poudre, les râpures de corne, la chair et le sang secs, les poissons séchés et pulvérisés, les plumes, les débris divisés des étoffes de laine et de soie, etc., le guano même, dont l’odeur ammoniacale musquée ressemble bien peu aux exhalaisons fétides des fumiers usuels.