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trois, quatre ou cinq ans. Le précepte de Virgile est toujours vrai :

Sic quoque mutatis requiescunt fœtibus arva[1].

Il faut en outre bien ameublir le sol par des labours et hersages, disposer au semoir les graines à 33 ou 36 centimètres de distance, en lignes écartées de 66 centimètres environ, afin de pouvoir effectuer ultérieurement les binages et autres façons avec les ustensiles aratoires tirés par des chevaux.

Lorsque les graines sont levées, que la plante se montre, l’ésherbage doit se pratiquer à la main, et surtout en temps utile : c’est même la plus importante de toutes les façons, car aucune plante ne souffre plus que les jeunes betteraves de l’absence de la lumière, indispensable aux fonctions des feuilles, et qui peut se trouver interceptée par les plantes étrangères dites mauvaises herbes.

L’arrachage des betteraves nécessite d’ailleurs les précautions les plus minutieuses. Ainsi l’on doit éviter que ces racines tuberculeuses se choquent violemment entre elles : chaque meurtrissure occasionnée par ces chocs, entraînant une déchirure du tissu végétal, a pour résultat l’épanchement des sucs hors des cellules. Dès-lors se produisent au contact de l’air des fermens, puis des affections contagieuses de la racine, qui changent par degrés le sucre cristallisante en sucre fluide. On voit combien il importe de maintenir les tissus intacts. Un autre soin consiste à tempérer l’effet des brusques changemens de température, qui amènent tantôt la dislocation des cellules, tantôt un excessif développement de végétation. En Russie, c’est le froid qu’il s’agit de combattre, et c’est en disposant les racines dans de vastes bâtimens bien clos qu’on réussit à les préserver de la congélation. Dans la France méridionale, c’est au contraire l’influence d’une température trop élevée qui est dangereuse, et l’on enfouit les betteraves dans des silos. Le centre et le nord de la France sont dans des conditions meilleures : de longs fossés peu profonds recouverts avec un peu de terre suffisent à conserver les

  1. Je sais bien que l’on a pu cultiver les betteraves pendant plus de vingt-cinq ans, sans interruption, sur le même sol ; mais alors certaines causes naturelles de déperdition se sont constamment manifestées. M. Crespel-Dellisse d’Arras a vu chaque année, dans une pareille circonstance, survenir un si grand nombre d’insectes, qu’au moment de la pousse des premières feuilles, celles-ci se trouvaient entièrement mangées. La plante dès-lors cessait de croître, et l’on était obligé, pour obtenir une récolte, de renouveler l’ensemencement après un hersage énergique ou même un labour. Il est également vrai que, durant l’intervalle de temps entre les deux ensemencemens, les insectes, ayant accompli leurs transformations, ne pouvaient plus attaquer cette seconde pousse ; mais la dépense avait été doublée et la récolte amoindrie ou même tout à fait compromise, lorsqu’une sécheresse ou des pluies prolongées avaient trop longtemps retardé le deuxième ensemencement.