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chaque localité. Ce qu’un voyage rapide a pu donner de lumières sur chaque point serait sans doute surpassé par des observateurs sédentaires qui suivraient la marche tracée. Enfin, si peu qu’on ajoute à un travail physique déjà fait, la science remercie. Voici là-dessus un axiome mathématique : il y a quelque chose qui a plus de valeur que mille pièces d’or, c’est mille et une pièces d’or.

La constitution physique de l’Islande et du Groënland forme, dans l’ouvrage dont je parle, deux morceaux de main de maître. Je ne vois rien à y contredire, et, je dirais même, rien à y ajouter, malgré l’axiome de tout à l’heure. Honneur donc à MM. Ferri-Pisani et Chancourtois, tous deux de notre École polytechnique ! A l’occasion du glacier groënlandais, je ferai remarquer combien est triste la situation d’un sol envahi par des neiges perpétuelles, ou qui ne fondent que pendant une petite partie de l’année. D’abord la chaleur du soleil ne peut atteindre le sol, puisque toute son action s’emploie à fondre la couche d’eau congelée, et quand au contraire arrive la saison froide, la neige et la glace se refroidissent indéfiniment »et enlèvent au sol qui est au-dessous le peu de chaleur qu’il avait conserve. C’est ainsi que j’ai trouvé dans les montagnes d’Auvergne des terrains en perpétuelle congélation, quoique libres de neige. Les sources ou minces filets d’eau qui couraient sous le sol étaient à peu près à zéro de température, et à une certaine profondeur il faisait plus froid encore. Ainsi, pendant la nuit presque perpétuelle de l’hiver arctique, le glacier qui recouvre ce malheureux pays groënlandais va toujours en se refroidissant et transmet ce refroidissement au sol sous-jacent, tandis que, sous l’action oblique des faibles rayons du soleil d’été, la glace échauffée fond en refusant de monter au-dessus de zéro, et jamais le sol ne reçoit de chaleur supérieure à zéro, tandis que le froid qui lui est transmis par le glacier peut aller à 50 ou à 60 degrés au-dessous de la glace fondante. Habillez un thermomètre de glace qui puisse s’écouler, et placez-le alternativement pendant une heure tantôt dans une enceinte à 20 degrés au-dessus de zéro, tantôt dans une enceinte à 20 degrés au-dessous ; vous trouverez qu’en moyenne il est au-dessous de zéro. L’expérience se fait plus commodément avec de la cire, du blanc de baleine ou de la bougie stéarique, en prenant les deux enceintes l’une au-dessus, l’autre au-dessous du point de fusion de la substance employée. Avec un thermomètre à boule nue, les deux effets se compensent exactement.

La réaction de l’intérieur de la terre contre son enveloppe extérieure, bien établie par M. de Humboldt, est mise dans un grand jour par les notices géologiques du Voyage. Quand on ajoute à la fluidité ignée, que tout le monde admet, la circonstance indiquée