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était là avec sa tente, guettant depuis plusieurs jours un des paroxysmes du puits volcanique ; Il paraît que la présence de nos voyageurs décida enfin le Geyser : la gerbe d’eau bouillante s’éleva, plus haute que ce que pouvaient mesurer les yeux de spectateurs trop rapprochés. Le dessin de ce beau phénomène ornait l’exposition du Palais-Royal. — Est-ce croyable ? — se demandaient les visiteurs en face de cette fidèle esquisse. Si je voulais préciser ce que c’est que le Geyser d’après la théorie que le commandant Ferri-Pisani donne de ce volcan, je ne pourrais mieux le comparer qu’à un vaste manomètre d’eau plus que bouillante, au moment où la vapeur souterraine, surexcitée par les feux volcaniques, lance dans les airs le liquide du manomètre, qui heureusement retombe droit dans le tube d’où il a été momentanément expulsé. — Un peu plus loin, il fallut solder un compte de 220 francs pour le gazon brouté pendant quelques heures par les cent chevaux de la caravane. L’herbe est rare et chère en Islande ; mais je me restreins aux faits scientifiques.

Puisque je suis en Islande, en plein monde volcanique, j’essaierai d’expliquer ici la formation de la célèbre grotte de Fingal, dont plusieurs de mes lecteurs ont sans doute vu les curieux dessins. Dans cette grotte profonde, où l’on entre en bateau, d’immenses colonnes basaltiques à droite et à gauche du voyageur s’élancent à une grande hauteur, et soutiennent un plafond formé de tronçons pendans de colonnes pareilles. La théorie de cette curiosité naturelle n’est pas plus compliquée que celle de la formation de nos grottes de pierre ordinaires. Pour ces dernières, dans la dislocation primitive du sol, la masse rocheuse s’est soulevée tout d’une pièce, excepté dans la partie qui correspond à l’ouverture de la grotte. Là le rocher qui en fait le sol n’a pas suivi le mouvement de l’escarpement qui se haussait. Il y a eu séparation, bâillement entre la partie élevée et la partie qui est restée en place, et cela est si vrai qu’en y regardant de près, on trouve des témoins de la jonction primitive de la roche qui fait le sol de la grotte avec la roche qui en fait la plafond : elles se correspondent par des creux et des saillans qui en attestent l’ancienne union. Maintenant supposez l’opération faite dans une localité recouverte de ces belles colonnes de basalte que les laves primitives ont formées par retrait en se solidifiant : si, tandis que la majeure partie de la colonnade est soulevée, il y a une autre partie disjointe qui refuse de suivre le mouvement général, il se fera une cavité entre les colonnes soulevées. La partie supérieure des colonnes immobiles formera un plafond composé des tronçons supérieurs de ces colonnes qui seront restées à leur place primitive, et dont les tronçons inférieurs deviendront le sol de la grotte. On peut voir aux flancs des basaltes disloqués des anciens volcans d’Auvergne