Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 12.djvu/140

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’une banquise dont les glaces produisent infailliblement la brume, ce qui revient à aveugler tout l’équipage. Enfin, plus habiles encore qu’imprudens, nos navigateurs sont aujourd’hui de retour avec un beau volume, qui même ne contient pas tout ce qu’ils ont à nous apprendre. Ce qui peut néanmoins prêter à la critique, c’est le très petit nombre de sondages qui ont été opérés. Le temps, mais surtout le beau temps, a manqué. Cependant la question des communications transatlantiques par le télégraphe sous-marin donne une haute importance à la détermination de la profondeur des détroits par où l’on pourrait faire passer le câble. En général, les profondeurs mesurées semblent très considérables.

Un autre voyage, celui d’un Américain, M. Loring Brace, chez les populations du Nord, aurait mérité de ma part mieux qu’une simple mention, si la science y tenait plus de place. M. Loring Brace ne donne les résultats des sciences exactes que quand ils sont des plus saillans. En ce sens, on peut juger de la valeur d’un document par l’attention qu’il y donne. Cependant son livre a le rare avantage de n’être pas celui d’un touriste qui n’a vu que des auberges. M. Brace cherche les gens chez eux, at home, pour emprunter un mot au titre de son livre. Les pays Scandinaves, observés au point de vue d’un citoyen des États-Unis, sont d’un grand intérêt, et, je le répète, l’auteur s’est mis plus qu’aucun autre en contact avec la population de tous les rangs. On distribue souvent aux étrangers des guides ayant pour titre : Paris vu en huit jours ! Rien de plus amusant : on reçoit, entre une course à Versailles et un spectacle au Théâtre-Français, la visite d’une nombreuse famille anglaise, haletante, effarée de curiosité à satisfaire. Après quelques mots sur leur fatigue accablante, ils repartent pour voir encore, si cela peut s’appeler voir. On attribue ce mot à un touriste anglais sortant de la galerie de tableaux du Louvre et rencontrant un compatriote : « Ah ! mon ami, quel admirable musée ! Figure-toi que j’ai mis plus d’une heure à le visiter, et tu sais que je vais bon pas ! » Plaisanterie à part, l’ouvrage de M. Loring Brace mériterait les honneurs d’une traduction française. C’est tout ce qu’on peut dire de plus favorable à un livre de voyage. Le nombre de ceux qui publient des relations de ce genre est à celui des observateurs dignes de ce nom comme le nombre des vrais poètes est à celui des gens qui font des vers.

Passons maintenant à la conclusion et au sens moral de cette étude sur l’expédition de la Reine-Hortense. Le capitaine de vaisseau La Roncière et les officiers qui l’entouraient, sous la direction du chef de l’expédition, ont fait preuve au plus haut degré du génie de la navigation arctique. La France doit-elle laisser perdre pour sa gloire de telles capacités ? On sait l’estime que Napoléon Ier faisait