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frappa l’attention de M. de Pontécoulant, un des serviteurs intelligens et dévoués de la révolution, que le premier consul avait nommé préfet du département de la Dyle, dont Bruxelles était la capitale. Comparant la condition infiniment meilleure des aliénés de Gheel avec celle des aliénés de l’hôpital de Bruxelles, « entassés, dit un arrêté émané de ce magistrat, dans un local étroit, dont les incommodités suffiraient pour rendre incurable la maladie qui les y conduisait, » il fit transférer ces derniers dans un refuge recommandé par une longue expérience. L’exemple donné par le préfet de la Dyle ne tarda pas à être suivi par les administrations de Malines, Lierre, Tirlemont, Louvain, et autres villes de second ordre, et plus tard par les provinces méridionales du royaume des Pays-Bas, lorsque la Belgique fut réunie à la Hollande en vertu des traités de 1815. C’est ainsi que l’attention du monde officiel se trouva attirée, un peu plus que par le passé, vers cet asile obscur de tant d’infortunes.

Le célèbre professeur de l’université de Gand, le docteur Guislain, qui dès 1825 avait poussé en Belgique les premiers cris de réforme en faveur des aliénés, consacra à cette institution un examen que le voisinage du lieu lui rendait facile. Entraîné au-delà du vrai par l’admiration des progrès que Pinel, Esquirol et leurs disciples réalisaient en France, il ne vit que les abus de Gheel, et prononça contre le principe même de cette colonie une condamnation sévère jusqu’à l’injustice. Cependant les plaintes mêmes du docteur Guislain provoquèrent une salutaire réaction de conscience et de surveillance. Pour dégager sa responsabilité contre de retentissantes accusations qui pouvaient tarir une source de prospérité matérielle, l’autorité locale publia un nouveau règlement, en date du 9 novembre 1838, dans lequel furent introduites quelques réformes, principalement dans le cadre disciplinaire et pénitentiaire. À travers un luxe de mesures comminatoires percent quelques vues plus directement fécondes pour le bien : l’institution d’un médecin communal des aliénés, d’une inspection permanente, de gardiens spéciaux ; — dans un autre ordre d’idées, une note d’infamie, c’est le mot textuel, appliquée au nourricier qui aura battu ou maltraité un pensionnaire hors le cas de légitime défense ; — enfin l’attribution d’un tiers des amendes aux nourriciers qui se seront distingués par leurs soins et le plus grand nombre de guérisons.

À vrai dire, ces règlemens témoignèrent plutôt des imperfections de l’œuvre qu’ils n’introduisirent de réformes efficaces. Ils tombèrent en désuétude avant même d’être appliqués. Ceux qui désiraient améliorer sérieusement le sort des aliénés et de leurs patrons durent invoquer l’intervention du gouvernement central, l’impuissance de l’autorité locale étant devenue manifeste. Une enquête