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français est-il disposé à se présenter devant le corps législatif en demandant le doublement de l’impôt foncier par échelons successifs dans un délai de dix à quinze ans ? Croit-il que cette démarche lui réussirait beaucoup, et accroîtrait sa popularité ? Il faudrait pourtant bien en venir là.

Le budget serait donc soumis à un perpétuel remaniement, tant pour les dépenses que pour les recettes. Tous les trois ou quatre ans, il faudrait refaire à tâtons le tarif des différens impôts et le taux des différens traitemens, depuis le prêt du soldat et du matelot ou la solde du garde-champêtre et du gendarme jusqu’à la rétribution du préfet et du maréchal de France, la dotation des grands corps de l’état, et en bonne conscience la liste civile du souverain lui-même. Il y aurait à remanier aussi plus ou moins fréquemment les tarifs d’après lesquels se paient les officiers ministériels de toute espèce, notaires, avoués, huissiers, gens avec lesquels il faut compter, comme une expérience récente l’a démontré.

Pareille opération serait nécessaire pour les tarifs des péages qui ont été accordés à une multitude de compagnies telles que celles des ponts, des canaux, des chemins de fer, des docks. Dans le nombre, il en est qui primitivement ont été fixés assez haut pour que les compagnies concessionnaires ne jugeassent pas à propos de les percevoir en totalité. En ce genre cependant on ne peut signaler que ceux des chemins de fer qui concernent le transport des marchandises : hors de là, presque toujours les tarifs accordés sont perçus dans leur intégralité. L’équité voudrait, ce me semble, qu’on les relevât du moment qu’on serait en présence d’un cas de force majeure aussi imprévu que celui d’une baisse déclarée dans la valeur du métal dont la monnaie serait faite. Tous ces changemens de tarif seraient un travail infiniment épineux pour le gouvernement, une source intarissable de discussions avec le corps législatif.

Les dotations ou les revenus des établissemens de bienfaisance, qui fréquemment sont possesseurs de rentes sur l’état, seraient de même fortement amoindris, et il faudrait pourvoir à les rétablir dans leur ancienne importance aux frais de l’état ou des localités. Les optimistes représenteront que les embarras signalés ici à l’occasion des aggravations du budget seront sans gravité, que, la valeur des pièces de monnaie ayant baissé, le contribuable ne pourra se trouver surchargé, si on se borne à lui demander un nombre supplémentaire de livres sterling ou de francs qui corresponde simplement à la dépréciation du métal. Seulement il faut voir que dans la société il y aurait eu beaucoup de personnes plus ou moins profondément atteintes dans leurs intérêts ; à celles-ci, l’aggravation des taxes sera onéreuse. Quant à la masse du public,