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— Elle assure qu’elle n’avait pas encore treize ans.

— Treize et onze… Hum !… Oh ! c’est bien l’âge des sorcières en effet. Mon jeune ami, continua Athanase de l’air d’un orateur qui va débiter un long discours, je sais maintenant ce que j’avais besoin de savoir ; je connais votre état, je le connais à fond, et j’entreprendrai de vous rendre la santé et le contentement, si vous me promettez de m’obéir aveuglément. Réfléchissez avant de prendre un pareil engagement, car, une fois pris, une fois mon traitement commencé, malheur à vous si vous manquez à votre promesse !

— À Dieu ne plaise, effendi ! Je vous obéirai en tout.

— Une assurance aussi simplement donnée ne saurait me suffire lorsqu’il s’agit de votre vie. Vous allez prêter serment sur une pierre de La Mecque qui me vient d’un bon derviche, et qui punit de mort subite le parjure.

Athanase avait toujours à son service une des pierres en question ; il tendit à Benjamin un galet ramassé dans sa cour, et Benjamin s’acquitta en tremblant de la prestation du serment exigé. À peine se fut-il engagé, qu’il retrouva son courage et sa confiance dans le grand docteur qui lui promettait la santé et la joie. — Et maintenant, dit-il, que faut-il faire pour commencer, noble effendi ?

— D’abord vous ne retournerez pas pour le moment à votre village (la figure de Benjamin s’allongea) ; vous séjournerez quelque peu à la ville jusqu’à ce que j’aie préparé ce dont vous avez besoin.

— Je puis revenir, si vous l’ordonnez ; mais il faut absolument que j’aille, ne fût-ce que pour un jour, chez moi, parce que je manque… Ne sachant pas que mon absence durerait aussi longtemps, je n’ai pas emporté… je n’ai plus…

— Vous n’avez plus d’argent, voulez-vous dire ?

— Oui, seigneur, répondit Benjamin les yeux baissés.

— Qu’à cela ne tienne, je vous en prêterai.

— Oh ! noble effendi…

— Enfantillages ! Qu’est-ce que l’argent entre amis ? Ce qui est à moi est à vous, et ce qui est à vous est à moi. Si jamais j’avais à emprunter de l’argent (que Dieu m’en préserve !), eh bien ! je m’adresserais à vous.

— Et vous me rendriez bien heureux, et vous n’auriez pas à craindre un refus, s’écria Benjamin, vivement ému de l’affection que lui témoignait Athanase. Puisque vous êtes si bon, ajouta-t-il timidement, je resterai dans cette ville aussi longtemps que vous l’ordonnerez.

— C’est bien. Vous irez de ce pas trouver Michel au Long-Nez ; le connaissez-vous ?

— Non, effendi.