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n’a fait qu’obéir à la direction naturelle de son talent. Insuffisant dans ses deux premiers recueils, où la vie privée l’occupe seule, il se relève dans le troisième, où il demande ses inspirations à la vie publique. Avant d’arriver à ce dernier volume, qui nous paraît mériter une attention spéciale, il faut rendre justice cependant à certaines qualités des études qui l’ont précédé, et qui nous aideront à exprimer plus nettement notre opinion sur l’écrivain.

Il est une qualité, par exemple, qu’on ne peut refuser à M. Bersezio : c’est de conter avec intérêt, quelquefois même avec une certaine animation dramatique. Tout le monde lirait avec plaisir les pages où il décrit la villégiature aux environs de Turin, l’influence du directeur-jésuite sur la mère de famille dévote, les douleurs obscures du médecin de village affligé d’un fils idiot et d’une femme superstitieuse ; tout le monde, il est vrai, serait tenté aussi de reprocher à ces agréables nouvelles de trop ressembler à tout ce qu’on écrit en France, en un mot de manquer d’originalité. Que ce soit un peu la faute de l’auteur, on ne saurait le contester ; toutefois je n’ai garde de le rendre entièrement responsable de la déception qu’il nous cause, et j’en veux dire la raison. Pour qu’un roman, pour qu’une nouvelle nous paraisse refléter véritablement les mœurs italiennes, il faut, telle est notre exigence, que rien de ce que nous y trouvons ne ressemble à nos mœurs : c’est trop oublier que les Italiens, enfans comme nous de la race latine, ont avec nous des ressemblances nombreuses. Exiger, lorsqu’ils essaient de se peindre, qu’ils ne montrent que les différences, c’est aussi sensé qu’il le serait, pour le roman de mœurs françaises, de proscrire tout ce qui se fait chez nous comme dans les autres pays. Il n’appartient qu’à un conteur étranger, familiarisé par un long séjour en Italie avec la vie italienne, d’en élaguer tout ce qu’on appelle au-delà des Alpes des gallicismes de conduite, pour ne mettre en relief que les types et les aspects vraiment caractéristiques.

Dans le recueil d’esquisses politiques publié par M. Bersezio, le défaut qui déprécie à nos yeux ses récits domestiques est moins sensible. L’époque où l’on a pu observer chez nous quelques-uns des travers décrits par le jeune romancier n’a pas été assez longue pour nous enlever le désir de voir les avantages et les inconvéniens du régime libéral signalés par une plume étrangère. Ce régime est d’ailleurs de trop fraîche date en Piémont pour n’y pas donner lieu à mille incidens bizarres, pour n’y pas mettre en relief d’étranges, d’incohérens caractères. Enfin le respect pratique de tous les Italiens pour ce vieil et immoral adage, que la vie privée doit être murée, ne paralyse plus leur talent quand ils abordent les scènes de la vie publique. De là le piquant, l’imprévu de leurs observations, la vivacité