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monnaie sorties des balanciers ont le poids et le titre voulus par la loi. Les directeurs des monnaies sont des entrepreneurs publics travaillant à forfait, d’après un tarif que le gouvernement a déterminé, pour les particuliers qui possèdent des lingots ou autres matières d’or et d’argent : ils ne fabriquent point pour le compte de l’état. Sous l’ancien régime, quand Philippe le Bel et ses successeurs fraudaient scandaleusement la monnaie, les hôtels des monnaies travaillaient pour le compte du roi. Il a pu et dû en être de même tant que le souverain s’est attribué, sous le titre de seigneuriage ou sous tout autre nom, un bénéfice exorbitant sur le monnayage. Il est de principe au contraire, dans les temps modernes, que l’état ne bénéficie pas sur les monnaies, et que le tarif des frais de fabrication à prélever par les directeurs sur les particuliers qui leur apportent des matières d’or ou d’argent soit aussi modéré que possible, de manière à représenter seulement leurs dépenses avec l’intérêt de leurs capitaux. Cela est si vrai, qu’à mesure que l’industrie du monnayage se perfectionne, on voit en France le tarif s’abaisser. Il y a même des états, comme l’Angleterre, où le trésor public supporte les frais du monnayage. Dans une pareille situation, est-on fondé à dire qu’en France l’état ait rien garanti au public, sinon que les pièces d’or offraient le poids et le titre voulus par la loi ? Et s’il est constant que la loi, dans sa lettre et dans son esprit, veuille que les pièces d’or ne demeurent l’équivalent de 20 ou de 40 francs dans les paiemens qu’autant que la valeur respective des deux métaux précieux resterait définie par le rapport de 1 à 15 1/2, des particuliers qui ne peuvent se prévaloir de leur ignorance prétendue de la loi peuvent-ils donc être étonnés d’apprendre un beau jour que le disque d’or qu’ils ont en poche, qui valait 20 francs jusque-là, n’en vaut plus que 19 1/2 ou 19, et pourra bien, d’ici quelque temps, n’en plus valoir que 18 ou 17, et moins encore ?

L’argument que quelques personnes essaieront peut-être de tirer d’une prétendue ignorance de la loi n’est jamais recevable : c’est un point de droit bien fixé ; mais ici on n’aurait aucun prétexte pour l’invoquer, car la loi de l’an XI ne saurait être représentée comme une improvisation, quelque chose de bâclé à huis clos sans qu’il se fût rien passé qui pût la faire présager. Loin de là, cette loi, définitivement rédigée avec beaucoup de maturité, dans le silence, il est vrai, au sein duquel fonctionnait le mécanisme législatif sous le consulat, avait été précédée, annoncée par un grand nombre de discussions, de projets de loi, de lois même, à partir de 1789. Sous la constituante, la voix tonnante de Mirabeau s’était chargée d’en proclamer les conditions fondamentales, et depuis ce moment jusqu’en l’an XI, pendant treize années consécutives, la plus remarquable