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Au bout de quinze jours, Mario était décoré de la médaille militaire et portait les galons de sergent. Un peu plus tard, le capitaine Baratoggi venait lui annoncer qu’il était proposé pour le grade d’officier. — Vous devez avoir un protecteur bien puissant et bien dévoué, ajouta-t-il du ton d’un homme qui n’aurait pas été fâché de savoir quel était ce protecteur. On nous a demandé des renseignemens sur votre compte, et je me suis empressé de les donner les meilleurs possible. J’espère donc, avant peu, saluer en vous un collègue. — Tiburzio remercia brièvement, et ne se prêta pas au désir manifeste de son chef de prolonger la conversation. Le mystérieux protecteur de Mario n’était autre que le jeune comte de Baldissero, qui avait voulu offrir ainsi au courageux volontaire une juste réparation des jugemens hasardés, des soupçons outrageans, des paroles injurieuses de son frère. Égal en bravoure aux plus vaillans champions de la cause italienne, bien qu’il n’eût pour mobiles, au lieu du principe de la nationalité et de l’amour de la patrie, que l’honneur militaire et l’obéissance à son roi, le contino n’avait rien demandé pour lui. Sa carrière d’ailleurs ne devait pas être longue. À la bataille de Goïto, il voulut à tout prix prendre sa revanche sur Mario et passer le premier. Il y réussit, mais fut presque aussitôt frappé d’un coup mortel. Mario, qui le suivait de près, l’emporta dans une maison particulière où il ne l’abandonna aux soins des habitans que lorsque le bruit du canon, devenu plus fréquent et plus intense, le rappela à ses obligations de combattant. Il ne put revenir assez tôt pour fermer les yeux au blessé ; le malheureux enfant n’eut pas même la joie de revoir une dernière fois son père, qu’on avait mandé en toute hâte. Le marquis eut beau voyager nuit et jour, il ne trouva à son arrivée que les habits ensanglantés et la dépouille mortelle de son fils. Quand tout fut réglé pour la ramener à Turin, dans les caveaux de la famille, il se rendit au quartier-général avec son troisième fils, qu’il avait retiré de l’académie militaire, tout exprès pour qu’il fût de ce funèbre voyage. Charles-Albert avait appris la perte cruelle que venait de faire son fidèle serviteur ; il lui adressa, pour le consoler, quelques paroles affectueuses, auxquelles le marquis répondit noblement : — Mon fils est mort en combattant pour son roi, c’est le sort que nous désirons tous. Répandre son sang pour la maison de Savoie est pour notre famille une antique tradition et un devoir : jamais votre majesté n’appellera sa noblesse à elle sans qu’un Baldissero s’empresse d’accourir. Le poste qui nous appartient dans les dangers vient d’être rendu vacant par la mort. Je supplie votre majesté de permettre que mon troisième fils l’occupe : il brûle de venger la mort de son frère sur les ennemis de son roi. — Le dernier des Baldissero reçut un brevet de sous-lieutenant. Toutefois la