Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 12.djvu/314

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sont tellement enracinées qu’on n’y trouverait pas même en germe, un parti anti-constitutionnel. Les vaincus de 1848 veillent à Turin, prêts, si l’on n’y met ordre, à ressaisir leur proie. Leur dernière espérance est dans la désunion de leurs adversaires. Si donc vous voulez ôter les masques, ôtez-les tous, et ne nous laissez pas croire, par des peintures incomplètes, que les fils de Tartufe ont passé avec armes et bagages dans les rangs des libéraux.

Les dangers que je signale imposent en quelque sorte à M. Victor Bersezio l’obligation d’ajouter de nouveaux portraits à son intéressante galerie : ses études consciencieuses sur la société politique dans les états sardes doivent l’y avoir préparé. Il serait seulement à désirer que le jeune écrivain portât son attention, avec plus de soin qu’il ne l’a fait jusqu’ici, sur la vie privée de ses concitoyens. À quoi sert-il de mettre en lumière les vices politiques, si on laisse dans l’ombre les vices domestiques, dont les premiers découlent ? Les Italiens ont le double tort de se trop attaquer individuellement et de se trop ménager comme peuple. Si un défaut signalé est à moitié corrigé, un défaut qu’on passe sous silence grandit dans des proportions effrayantes. Or, en supposant que les conteurs français aient singulièrement, comme je l’ai dit, la faculté de sentir tout ce qui, dans les mœurs de nos voisins, appelle le rire ou même le blâme, ils sont très peu propres à les convaincre, et se verront toujours accusés d’ignorance ou d’injuste partialité. C’est donc aux Italiens seuls qu’il appartient, sinon de peindre l’Italie, au moins de lui faire utilement la leçon. Qu’ils ne l’oublient pas et sachent avoir la volonté, puisqu’ils ont le talent.

F.-T. Perrens.